LUG
20
1834

Giustiniani, Anna, n. Schiaffino a Cavour, Camillo Benso di 1834-07-20 #1372


Mittente:
Giustiniani, Anna, n. Schiaffino.
Destinatario:
Cavour, Camillo Benso di.
Data:
20 Luglio 1834.

                                                                                               [Cavour annotò:] 20 luglio 1834
                                                                                                                         Demonte
      Pour abréger l'ennui des six mortelles heures que nous passons ici, il faut que je t'écrive. Je sais que je te verrai aujourd'hui, que je pourrai te dire tout ce que mon coeur me dictera, mais qu'importe? c'est à présent qu'il faut que je te parle, je croyais qu'à cette heure même nous serions ensemble, tu m'attends, sans doute, tu es peut-être inquiet; ah que ne puis-je hâter le moment où je te rassurerai en t'embrassant! Doux moment, Camille, qu'on peut bien acheter par de longues angoisses. Je ne sais pourquoi le bonheur laisse en moi des traces beaucoup plus profondes que la douleur. Ces trois jours ont effacé le souvenir de plusieurs années bien cruelles, je t'assure; je les garde dans ma mémoire comme un inépuisable trésor de consolations pour les jours de tristesse qui m'attendent; je penserai alors que le temps s'écoule, et que l'amour reste à jamais! À jamais, Camille! nous le savons bien, nous qui, non contens d'aimer ici, d'aimer pendant des années passagères, osons porter nos regards vers un avenir sans fin d'amour et de bonheur. Je te l'ai dit, Camille, mon âme n'est qu'un reflet de la tienne; sans toi, je suis néant; on m'intercepte ta lumière, je cesse d'exister. Je te suivrai partout. Qu'on n'espère pas me séparer de toi; parens, amis, je renonce à tout plutôt que cesser de te voir et de t'écrire; j'aurai peut-être bien des luttes à soutenir, je les prévois sans m'en effrayer, j'ai le sentiment de ma force, je sais que rien ne pourra m'abattre tant que je serai sûre de ton amour. Et je le suis, et ton coeur répond au mien, et entre nous c'est, comme le dit ta devise, à la vie, à la mort. Si je me fais illusion, que je tombe en poussière, avant de me détromper! Mais non, Camille sait aimer, Camille ne veut point m'abuser: il est trop grand, trop généreux pour ne point payer de retour l'amour de sa Nina. Il l'aurait refusé s'il ne s'était cru sûr de l'égaler. N'est-ce-pas, Camille, doux et tendre ami? Mais ne me réponds pas, je sais lire dans tes regards, j'y discerne ta pensée, tu m'aimes, oui, tu m'aimes comme je veux être aimée. Tu m'as aussi donné une nouvelle existence, c'est par toi que je suis quelque chose, ma nullité disparaît, tu me rattaches à cette vie que j'aurais quittée avec indifférence et quelquefois avec joie; l'espoir de me réunir à toi me soutiendra pendant ton absence, le bonheur de t'embrasser me fera croire pendant quelques instans que je suis plus qu'une mortelle. Camille, ce bonheur est bien près de moi maintenant. Bientôt j'aurai traversé l'espace qui nous [sépare], bientôt je serai dans tes bras!
 
      [Sul rétro: di mano di Cavour:] Vers faits par Nina à Vinadio, avant mon arrivée.
 
      Lorsque sur tes genoux me tenant embrassée
      Ta bouche sur la mienne est doucement pressée:
      Quand tes regards cherchent mes yeux,
      Comme si de mes jours on déliait la trame
      Je ne sens plus la vie et je crois que mon âme
      A pris son essort vers les cieux


                                                                                                     Démonte, 20 Juillet 1834

divisore
Nomi citati:
Nina.
Toponimi citati:
Demonte, Vinadio.

Allegati