LUG
7
1834

Giustiniani, Anna, n. Schiaffino a Cavour, Camillo Benso di 1834-07-07 #1368


Mittente:
Giustiniani, Anna, n. Schiaffino.
Destinatario:
Cavour, Camillo Benso di.
Data:
07 Luglio 1834.

                                                                                                            [7 luglio 1834]
      Lundi matin. Il sait tout: il a eu le temps de lire les adresses; je m'attends à ce que l'orage éclate; jusqu'à présent il n'a sermonné qu'Adèle, et bien injustement cette fois-ci. Mon Dieu, je n'ai pas dormi, je pensais à toi, à tes lettres, à mon père, à ma fille. Si je fermais l'oeil, c'était toujours la même inquiétude; je me réveillais en sursaut. Et ce matin, j'ai chaud, je brûle; et pour me calmer, il faut que je t'écrive, il faut que je te fasse part des sensations que j'éprouve, que je laisse déborder dans ton sein le torrent d'amertume qui submerge mon coeur. Quand liras-tu ce que je t'écris maintenant? Il serait par trop imprudent de donner cette lettre à ceux qui ont livré les tiennes (innocemment peut-être) à mon mari.
      Je t'en écrirai tout-à-l'heure une bien insignifiante, et nous verrons ce qu'on en fera. S'il m'en arrive une autre demain, que Dieu m'assiste! Oh Camille, cher Camille, quelle sera l'issue de tout ceci? Il veut, dit-il, retourner à Gênes, et cette idée me fait peur. Il ne me parle presque pas; je ne le vois que très rarement; j'ai pourtant de bonnes raisons pour croire qu'il n'en viendra jamais à des mesures décisives; mais cette vie ne peut durer. Que faire? Oh Dieu, quel parti prendre? Il écrira peut-être à mon père que je t'ai revu, que j'ai reçu des lettres de toi sous un nom supposé, que je suis digne de blâme. Mes parens mécontens, seront froids envers moi; sévères, si je ne consens pas à te quitter. Oh quel mot! Que ma plume l'efface! je veux vivre et mourir en t'aimant. Toi seul au monde as su m'inspirer le sentiment le plus passionné dont je suis susceptible; je trouve en toi tout ce qui peut me charmer. Après Dieu, tu es mon Dieu, ou plutôt je n'en connais plus d'autre que toi; ce que mes sens peuvent saisir de plus conforme à l'idée que je conçois de la Divinité, c'est toi, et si le centre de vie et de lumière dont émane notre existence me voit en ce moment et me juge, il me pardonnera de préférer le connu à l'inconnu, de ne plus rien souhaiter lorsque je t'embrasse, de voir tout le ciel dans tes yeux. Camille, Camille, cher Camille, que j'aime à tracer ton nom, à le répéter dans mon coeur!
 
      Midi. Il est venu, et il ne m'a parlé de rien; je crois que je supporterais mieux sa colère que sa douceur; il attend peut-être encore. Médite-t-il une trahison? Voudrait-il s'emparer de mes lettres? Que ferai-je de celle-ci? Je veux qu'elle te parvienne. Ah, qu'il m'en coûte de t'en écrire une froide et sèche. Je veux pourtant me mettre à la tâche.

divisore
Nomi citati:
Anna Schiaffino Giustiniani, Adèle, mon mari, mon père, ma fille.
Toponimi citati:
Gênes.

Allegati