LUG
27
1834

Cavour, Michele Benso di a Cavour, Camillo Benso di 1834-07-27 #1378


Mittente:
Cavour, Michele Benso di.
Destinatario:
Cavour, Camillo Benso di.
Data:
27 Luglio 1834.

                                                                                                   Commencée le dimanche 27 juillet 
      Mon cher Camille,
      Un des motifs qui m'a le plus engagé à me marier à 24 ans est celui de pouvoir un jour être l'ami et le confident de mes enfans – sans avoir trop oublié ce que j'ai éprouvé moi-même à l'âge des passions - je désirois substituer autant que le devoir le permet le rôle de père par celui de conseiller amical.
      Je te remercie de m'avoir ouvert ton cœur dans ta longue lettre que j'ai lue quatre fois avec une grande attention. Je voulois juger le caractère de l’innominanda. Le tien m'est connu, et depuis ton retour de Grinzane j'avois étudié ce qui se passe, compris ton agitation et excusé ton humeur massacrante. Les lettres n'ont point été prises par monsieur de Revel; on s'est servi de son nom pour couvrir une action très blâmable mais qui entre dans les moyens de défense d'un mari. Il a eu les lettres par séduction - et le gouvernement s'est refusé à se mêler d'affaire de femme tant qu'il n'y avoit pas scandale public, évasion ou enlèvement; le gouverneur a observé même qu'il n'avoit pas châtié un officier d'artillerie lorsqu'il s'étoit vanté des faveurs précoces de sa propre nièce, femme d'un aide de camp du roi. On a espéré qu'en mettant en avant la première autorité de Turin, I° - on cacheroit mieux les moyens employés pour avoir les lettres, 2° - que l'on effraieroit la femme pour l'objet qu'elle aime, puisque toute autre tentative avoit échoué. Voilà, cher ami, le véritable point des choses. Tu dois avoir vu que loin de m'opposer à ta course à Vinnai je t'en ai parlé à plusieurs reprises; tu dois t'être apperçu que tout étoit disposé pour ton séjour là bas: on n'arrête pas la fougue des passions, on n'en impose pas aux affections profondes. Ce que l'on ne peut empêcher il faut chercher à ce qu'il en arrive le moins de mal possible. Je n'espérois pas un dénouement aussi calme, mais j'avois l’intime conviction qu'il ne seroit pas orageux. L’innominata manque absolument de prudence, de cette finesse astucieuse que l'amour contrarie sait si bien retrouver; elle brave de front le danger, elle ne cache point un sentiment violent qui est un mal, qui est improuvé par la morale et ternit ses qualités précieuses; c'est la circonstance où l'homme devroit être prudent pour elle.
      Dès qu'il existe des chaînes qui ne peuvent se rompre, il faudroit les recouvrir le plus possible du voile du mystère. La passion satisfaite ne doit avoir d'autre but que la conservation des deux objets qui en sont la victime, et dans ce cas la prudence est un devoir et non une lâcheté. Médite bien, cher ami, ce que je te mande, pour ton avenir et celui de l’innominata. Je ne te parle pas ni de l'abandonner ni de l'affliger; je te parle de la conserver pour elle, pour sa santé, pour son état dans le monde; d'ailleurs elle a une fille, ce sont de mauvais antécédents à laisser pour dot qu'une liaison clamoreuse. Tu n'ignores pas cher ami que lorsqu'il s'est agi d'un voyage à Paris que je n'approuvois pas à l'égard du … Carlin, j'ai fait des démarches telles à l'empêcher, mais sans que pour cela les personnes qui étoient l'objet de ces démarches ayent pu s'en douter, et surtout le mari. C'est l'opinion de Mr. de Revel qu'il ne faut point entrer dans ces détails. Tu peux t'en rapporter à moi - aussi pourquoi t'écrire des choses aussi graves par la petite poste, confier à un pédon, qu'un écu de 5 francs gagne, des secrets qui regardent l'honneur et la fortune du mari? un autre écu auroit fait arriver les lettres à leur adresse. Ne peut-on pas les envoyer sous couvert du syndic qui est respecté par toutes les autorités? Le jour où je t'ai remis cette lettre avec le cachet Nena j'ai remarqué qu'elle avoit été ouverte, et non à la poste, car on est plus adroit. Cher ami, nous causerons de tout cela ensemble; j'ai été à ton âge dans la même position que toi; j'ai été profondément malheureux surtout des malheurs d'autrui. Le tems et la prudence ont tout rétabli et il ne m'en est resté que des souvenirs de regrets pour les erreurs de jeunesse mais non d'amertume, et de démoralisation sociale.

divisore
Nomi citati:
innominanda, innominata, Nena.
Toponimi citati:
Grinzane, Turin, Vinnai, Paris.

Allegati