MAR
19
1830

Cavour, Camillo Benso di a Maurice, Adèle, n. de Sellon d'Allaman 1830-03-19 #1322


Mittente:
Cavour, Camillo Benso di.
Destinatario:
Maurice, Adèle, n. de Sellon d'Allaman.
Data:
19 Marzo 1830.

                                                                                                             Turin, 19 mars
    Ma chère cousine,
    Il y a bien longtems que je cherche une occasion favorable pour me rappeler à votre aimable souvenir. J'aurais pu, il est vrai, vous envoyer une lettre de bonne année, mais vous l'auriez probablement dédaignée, comme un ramas de complimens verbeux et surannés. J'aurais pu joindre un petit billet pour vous aux lettres que j'écrivais à vos parens; mais elles étaient déjà si volumineuses, qu'il fallait bien penser à ne pas abuser de vos patiences.  Enfin j'ai toujours attendu, et c'est avec empressement que je profite du voyage de Menthon pour vous forcer à penser à moi, un tout petit instant.
    Vous rappelez-vous de cette certaine promenade dans le jardin du Bocage, avec vos sœurs, Mr Saladin, votre mère, etc.? Vous rappelez-vous de la dispute d'Amélie et d'Hortense, à la suite de laquelle celle-ci fut sévèrement grondée: ce qui donna lieu à une vive discussion entre vous et moi? Près de la grotte, dans le moment le plus animé, je dis, s'il vous en souvient, toute ou plus même que ma pensée sur Valentine. Cet excès de franchise ne m'a pas été favorable. Votre mère m'a entendu, et a conçu une triste idée de mon discernimento; et j'ai bien peur d'avoir beaucoup perdu à ses yeux depuis ce moment-là. Mais ce n'est pas tout: elle a relevé la malheureuse phrase de la grotte dans une de ses lettres, et moi, pour me défendre, j'ai fait une entière profession de foi; laquelle j'ai bien peur n'aura fait qu'empirer mes affaires. Maintenant je recours à vous, non pas pour vous prier de me servir d'avocat défenseur, — vous différez presque aussi complètement d'opinion avec moi — mais pour détruire la fâcheuse idée, que ma phrase et ma lettre ont donnée de mon esprit à ma tante. Il fallait bien m'expliquer, et, en m'expliquant, je ne pouvais pas déguiser mes sentimens, quelques contraires qu'ils fussent à ceux de votre mère. Je me confie pleinement dans votre habileté, pour le succès de cette négociation.
    Nous avons passé assez tranquillement cet hiver. Le statu quo étant l'inappréciable avantage des gouvernemens paternels, aucun événement n'est venu troubler notre tranquillité, ni même exciter notre curiosité. Le roi reviendra-t-il par terre, ou par mer, s'arrêtera-t-il ou non à Gênes? Voilà les seules questions de haute politique qui occupent les badauds de Turin; voilà les seuls événemens qui nous intéressent.
    Notre oncle d'Auzers est assez souffrant depuis quelques jours. Son mal n'est pas grand en lui-même, mais il est si faible, que la moindre des choses l'abat complètement. Cependant il est un peu mieux ce soir. Le reste de la famille est à merveille.
    Ne m'oubliez pas, je vous prie, auprès de mon oncle, de ma tante et de mes cousines. Croyez à l'éternel attachement
                                                                                                 de votre dévoué cousin
                                                                                                             Camille

divisore
Nomi citati:
chère cousine, Menthon, roi, Amélie, Hortense, Saladin, votre mère, Valentine, Saladin, ma tante, d'Auzers, mon oncle.
Toponimi citati:
Turin, Bocage, Gênes.

Allegati