Cavour, Camillo Benso di a Cavour, Philippine Benso di, n. de Sales, 1828-12-19 #1305
- Mittente:
- Cavour, Camillo Benso di.
- Destinatario:
- Cavour, Philippine Benso di, n. de Sales,.
- Data:
- 19 Dicembre 1828.
Vintimille, 19 décembre 1828
Ma très chère Marina,
J'ai reçu votre aimable lettre qui m'a fait le plus grand plaisir, le courrier passé. Elle m'en a fait d'autant plus que j'avais été une semaine sans recevoir des nouvelles de Turin. Ce matin j'ai reçu une lettre du bon oncle Franquin et de l'excellente tante Victoire. Une chose qui m'a un peu étonné c'est un reproche simultané sur mon prétendu stoïcisme. En vérité je me serais attendu à tout autre chose. Moi stoïque; c'est excellent. Mon frère m'en avait déjà écrit; mais j'avais cru que c'était un badinage. La lettre de ma tante m'a détrompé, et j'ai peur qu'elle aille me croire un bourru qui a oublié toutes les bontés qu'elle a toujours eues pour moi, pour faire parade de philosophie. Je ne vois rien dans ma conduite qui ait pu mériter un semblable reproche. Qu'on m'accuse d’étourderie, de libéralisme, etc. c'est peut-être juste; mais prétendre que je veux étouffer les sentimens du cœur sous la sotte excuse d'un stoïcisme ridicule, permettez que je me récrie d'un tel jugement, et que j'en appelle à vous qui m'avez toujours suivi depuis mon enfance, et qui avez toujours eu tant et tant d'affection et de bontés pour moi. On m'accuse d'écrire des lettres à mon frère qu'il ne montre pas; c'est tout naturel: entre amis il y a de certaines choses qui sont secrètes et inviolables, et si un troisième quelconque était à part de notre correspondance tout le charme en serait détruit, l'épanchement cesserait et au lieu d'écrire à mon meilleur ami, au confident de toutes mes pensées, mes lettres ne seraient plus que quelques phrases d'usage et quelques récits insignifians.
Il est si rare de trouver deux frères qui s'aiment tendrement, dont l'affection soit solide, qu'il me paraît qu'on devrait fomenter cette union au lieu de la détruire. Mon excellent père a parfaitement senti cette vérité, et il a eu la bonté de m'écrire qu'il trouvait tout naturel que mes lettres à Gustave fussent pour lui seul.
C'est vous, ma très chère Marina, qui m'aimez tant, que je prie d'être mon avocat et de me défendre de l'odieux et immérité reproche de vouloir durcir mon cœur, et y étouffer les sentimens les plus tendres. Je me confie entièrement à cette bonté angélique, à cette indulgence si parfaite, qui vous fait oublier mes défauts pour ne laisser place qu'à votre affection maternelle, afin que vous me justifiez d'un reproche qui, s'il m'était adressé par mon propre cœur, me ferait trop de chagrin pour le supporter tranquillement.
J'ai pu quelquefois vous causer du chagrin, par impétuosité, entêtement peut-être, mais jamais je n'ai cessé de vous adorer comme la plus parfaite des femmes, et la meilleure des grand'mères qui existât jamais.
Veuillez me rappeler au souvenir de toute la famille et me croire à jamais
votre très obéissant et dévoué petit-fils
Camille

- Nomi citati:
- Marina, Franquin, Victoire, Gustave, frère, père.
- Toponimi citati:
- Vintimille, Turin.