DIC
19
1833

19 dicembre 1833 - 19 dicembre 1833


Diario:
1833-1834.

      Après dîné nous étions au salon, papa dormait sur le sofa, Gustave lisait un journal, l’abbé amusait Joséphine et moi je me chauffais à la cheminée. Sur ces entrefaites, Auguste entre dans la chambre et se met à taquiner sa sœur; je le prie de la laisser tranquille, il m’obéit en grognant; mais, poussé par ce besoin de mal faire qui le domine si souvent, il va vers papa comme s’il allait le réveiller; je le suis et lui déclare que je veux qu’il respecte le repos de mon père; aussitôt il lui lance un coup [de] pied, probablement pas dans l’intention de lui faire du mal, mais certainement dans celle de me braver; je le prends alors par le bras et lui donne une claque si légère que, je suis sûr, elle ne lui a pas fait le moindre mal. Son père, qui était resté jusqu’alors tranquille spectateur de cette scène, s’élance vers moi et me menace de me casser la tête avec une chaise si je me ravise de me rebattre son fils. J’ai eu assez de sang-froid pour me contenir, et je me suis borné à lui répondre: «Quoi, pas même ton père tu n’exiges pas qu’il le respecte?». Au tapage que cela a fait, papa, maman, Marina sont accourus et nous nous sommes séparés. Quelque temps après, je suis revenu dans le salon et me suis mis à parler avec l’abbé Frézet de la conduite de mon frère, en me servant, il est vrai, de termes peu flatteurs; je dirais qu’ils étaient tant soit peu insultants. Maman, qui nous écoutait silencieusement dans un coin, prit feu et m’apostropha rudement; elle, qui n’avait pas trouvé une seule parole pour blâmer l’insolence insoutenable d’Auguste, ni la violence, pour le moins ridicule, de mon frère, devint tout à coup éloquente pour me reprocher mon ingratitude et ma noirceur envers mon frère et mon neveu. J’avoue que des reproches si peu mérités ne m’ont nullement ému et que je n’en ai pas moins continué calmement ma discussion avec l’abbé.
      La manière dont maman et toute la famille se conduisaient avec Auguste et Joséphine me prouve bien qu’une éducation quelconque est impossible au milieu d’une foule de personnes qui ne cherchent qu’à s’amuser des enfants et qui, dès qu’elles voyent une larme couler, ne songent plus qu’à distraire l’enfant, sans se soucier le moins du monde de former son caractère. Il faudrait que je retombasse en enfance pour que jamais je me décidasse à vivre en famille avec une femme et des enfans. Si jamais je suis père, ma mère verra mes enfants une fois par jour, et cela encore, en présence de leur mère.

divisore
Nomi citati:
papa, Gustave, Auguste, mon père, sa sœur, Marina, Joséphine, maman, abbé, mon frère, Son père, son fils, abbé Frézet, mon neveu.

Allegati