GEN
6
1860

Villamarina, Salvatore Pes di a Cavour, Camillo Benso di 1860-01-06 #3885


Mittente:
Villamarina, Salvatore Pes di.
Destinatario:
Cavour, Camillo Benso di.
Data:
06 Gennaio 1860.

                                                                                                      Paris 6 janvier 1860

      Mon cher Comte,
      L'avenir est encore bien gros de nuages et sans un bon parapluie doublé d'énergie et de courage nous pourrions bien risquer d'être mouillés, quoiqu'on en dise. Je crois que cette doublure ne nous manque pas en ce moment-ci et que la tempête ne nous trouve sans abri.
      Le congrès devient chaque jour plus problématique: la diplomatie, y compris l'ambassadeur d'Autriche que j'ai vu hier, ne croit plus à sa réunion et la chute de Walewski vient à l'appui de cette opinion. En attendant, pour le quart d'heure il est ajourné indéfinement: c'est ce que le Gouvernement français vient d'avouer officiellement à plusieurs cabinets. Franchement je crois que l'Empereur n'en est pas fâché. Il profitera de ce tems d'arrêt pour préparer le terrain et faire gober aux Puissances Européennes sa manière de résoudre la question italienne. En effet, S.M.I. a soin de faire croire à tous qu'Elle est déjà d'accord avec l'Angleterre. La France abandonnera la cause des Ducs et du Pape, et l'Angleterre ne persistera plus à demander l'annexion des duchés à la Sardaigne. Nous voilà donc tout près du fameux royaume d'Étrurie; il ne manque que le roi, qui du reste sera bientôt trouvé. Quant à la Russie et à la Prusse, il n'y a pas le moindre doute qu'elles sont pour la restauration des Ducs, mais est-ce probable qu'elles feront la guerre pour cela? La Russie, du moins, n'y pense pas; elle se rangera même du côte de la France, en échange de quelque modification apportée au traité du 1856. La Prusse pourra-t-elle faire la guerre sans la Russie, même si elle le voulait? Reste donc l'Autriche, dans le plus complet isolement, vaincue, agitée, embarrassée, sans le sou, incapable de faire entendre une voix puissante en chapitre. Cette Puissance renferma d'abord de participer au congrès, mais, soyez-en sûr, cher Comte, elle finira par céder, et la question italienne aura la solution prévue dans la brochure qui vient de paraître. Ni les Puissances, ni le mouvement catholique empêcheront la séparation des Légations des États pontificaux, et si Rome s'obstine, elle finira pour perdre ce qui lui reste. Pour ce qui est de l'Allemagne, les renseignements que je me suis procuré donnent que les Gouvernements n'ont plus la confiance des peuples, et vouloir résister à un mouvement quelconque sans cette confiance serait vouloir tenter l'impossible. Le parti conservateur, lui-même, est dégoûté du rôle que l'Allemagne a joué dans la dernière crise, et roue en imputer précisément la faute aux petits Gouvernements, il est convaincu toutefois qu'un grand changement est absolument nécessaire pour faire cesser l'humiliation dans laquelle se trouve la patrie allemande. Personne, quelque honnête qu'elle soit, ne fera le moindre sacrifice pour maintenir ce qui existe actuellement. Ajoutez à cela que le simple soldat en Allemagne se refuse aujourd'hui à faire la guerre avant de connaître et approuver la cause pour laquelle il doit combattre, et vous direz avec moi que tous ces petits souverains allemands se trouvent en ce moment dans de bien mauvais draps. Une nouvelle guerre continentale mettrait l'Allemagne en fin d'un bout à l'autre, et plusieures petites dynasties disparaîtraient. Ce serait encore moins mal. Du moment que les Grandes Puissances n'ont pas eu le toupet d'empêcher la première brèche qui a été faite au principe de légitimité, je ne donne plus les quatre fers d'un chien pour le principe même. Le droit divin doit être remplacé par la souveraineté des peuples d'une manière plus conforme à l'esprit de nationalité. Si le congrès ne se réunit pas, il me paraît que c'est bien le cas de demander la prompte réunion de nos Chambres..., ce serait le plus sûr moyen de pourvoir aux besoins impériaux de la situation actuelle qui est, selon moi, afin de faire cesser et de prévenir beaucoup de choses!! Il me paraît également urgent d'agir vivement et activement sur l'opinion publique en Angleterre, laquelle jusqu'ici s'est toujours prononcée d'une manière très favorable à l'annexion, comme étant la solution la plus naturelle et la seule capable de pacifier l'Italie et tranquilliser l'Europe à tout jamais.
      Voici, cher Comte, l'effet qu'a produit le remplacement de Walewski par Thouvenel, que j'ai connu assez intimement. Thouvenel est un homme de beaucoup d'esprit, très capable, très versé dans la matière, c'est le meilleur diplomate que la France possède en ce moment. C'est un gentilmen [sic] d'un grand caractère, qui ne se soumettra pas à jouer le rôle qu'a joué Walewski. C'est un acquit indépendant et résolu. Touchant la question italienne, il se rangera du côté de ceux qui pensent ici que le trop grand agrandissement du Piémont pourrait devenir plus tard nuisible aux intérêts de la France. Thouvenel appuyera de toutes ses forces la création du Royaume de l'Italie centrale dans l'intérêt de la sécurité nationale, mais, au fond, ainsi que je vous l'ai dit à Turin tout dernièrement, pour amener l'Angleterre à donner son consentement à la cession de la Savoie à la France, qui dans cette éventualité ne soulèverait plus d'objection contre l'accomplissement des vœux des populations italiennes que la politique anglaise voudrait voir triompher par l'établissement du Royaume de la Haute Italie. Il faut que les populations tiennent ferme.
      Je quitte Paris hélas...? jeudi prochain 12 courant, et serai à Naples le 17. Ah! si dans ce pays-là on voulait être un peu raisonnable, nous pourrions peut-être nous entendre, et ce serait un résultat immense pour la cause italienne. Che Dio me la mandi buona.
      En attendant, ne m'oubliez pas, cher Comte, et croyez à l'attachement bien sincère de votre
                                                                                          tout dévoué serviteur et ami
                                                                                                    De Villamarina

      Aujourd'hui on a dû recevoir à Rome la note de l'Empereur, qui casse tout à fait les vitres.

divisore
Nomi citati:
Salvatore Pes di Villamarina, Walewski, Thouvenel, Pape, Empereur.
Toponimi citati:
Paris, Angleterre, Russie, Prusse, Autriche, Europe, Sardaigne, Italie, Turin, Savoie, Allemagne, Prusse, France, Piémont, Naples, Rome.

Allegati