LUG
22
1834

Giustiniani, Anna, n. Schiaffino a Cavour, Camillo Benso di 1834-07-22 #1373


Mittente:
Giustiniani, Anna, n. Schiaffino.
Destinatario:
Cavour, Camillo Benso di.
Data:
22 Luglio 1834.

                                                                   [Cavour annotò sul retro:] Coni, 22 Juillet 1834
      Je t'ai bien rattristé hier, mon cher Camille, je me le reproche; tu as vu combien je suis faible, accessible à la crainte, mes vaines frayeurs sont dissipées maintenant; j'envisage l'avenir avec tranquillité: j'emploierai tous mes efforts à le rendre moins malheureux que possible, j'aurai soin de ma vie, je la respecterai toujours puisque tu veux bien y attacher quelque prix. Ne me crois pas un ange, ne me crois point tout à fait digne du dévouement que tu as pour moi. Notre position est bien différente: juge-la. J'étais souffrante, découragée, incapable de prendre part aux douceurs de la vie, j'avais en perspective quelques jours languissans et inutiles que la mort terminerait infailliblement sous peu. Trouver un être qui voulût accepter ce reste d'existence, partager mes peines, m'aimer enfin, c'était un bonheur auquel je ne devais plus prétendre.
      C'est toi que le sort avait marqué comme mon dernier soutien; toi plein de force, de vie, de talent, toi, appelé peut-être à parcourir la plus brillante carrière, à contribuer au bonheur général. Ma vie est usée, la tienne commence. J'accepte ton secours, il me vient du Ciel. Mais il est de mon devoir de te dire que ce qui de ma part pourrait sembler un sacrifice, serait au contraire un acte de pur égoïsme: tandis qu'en toi la même action prendrait sa source dans un dévouement que je ne mérite pas. J'en ai assez dit, tu dois me comprendre. Je suis fatiguée, je retourne au lit. Adieu Camille, je t'adore.

                                                                                                           Deux heures plus tard.

      Depuis que je t'ai écrit je t'ai vu en rêve. Nous étions au milieu de mes parens, tu me prenais dans tes bras, tu me couvrais de baisers en leur présence. Ma mère m'a dit qu'il était inutile d'aimer quand on devait bientôt quitter la vie: je lui ai répondu que c'était justement alors qu'il fallait s'abreuver d'amour. Elle me donnait une lettre où elle me reprochait ma conduite, je me suis éveillée au milieu de ces images, vagues représentations de ce qui m'arrivera peut-être bientôt. J'ai le coeur plein de toi. Je partirai sans inquiétudes sur l'avenir, mes noirs pressentimens ont fait place à une douce espérance. Je suis si sûre de toi! Qu'ai-je donc fait, ô Camille, pour rencontrer une âme comme la tienne, moi qui n'osais pas croire que Dieu laissât tomber sur la terre rien qui en approchât? T'avoir aimé, comme un instant peut remplir une longue existence. Pourquoi m'aimes-tu? pourquoi aimes-tu la faible Nina? Tu ne la connais peut-être pas encore assez. Elle sait aimer, oui. Mais que d'imperfections, de faiblesses la déparent! Je ne suis pas digne de tant d'amour, je le sens.
      Nous nous verrons dans peu d'heures. [Camille, depuis que tu m'aimes, je ne comprends plus rien à la vie. Je ne sens plus le moi dont toujours, depuis que je me connais, je me demandais raison.
      C'est toi qui m'animes, c'est en toi que je vis; je crois avoir changé de nature, m'être élevée presque au rang des intelligences célestes. Serais-je près de la folie? J'aimerais alors bien mieux mourir que recouvrer ma raison]. Adieu, mon Camille, mon tout, seule lumière qui éclaire la nuit profonde qui m'environne. Tu seras tout pour moi dans le temps et dans l'éternité. 

divisore
Nomi citati:
Nina, Ma mère.
Toponimi citati:
Coni.

Allegati