LUG
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1834

Giustiniani, Anna, n. Schiaffino a Cavour, Camillo Benso di 1834-07-01 #1364


Mittente:
Giustiniani, Anna, n. Schiaffino.
Destinatario:
Cavour, Camillo Benso di.
Data:
01 Luglio 1834.

                                                                                                     [Vinadio] 1er Juillet 1834
      Camille! Le parti en est pris: j'irai à Gênes. J'ai eu ce matin un beau discours de mon mari qui m'a dit qu'il voyait que j'étais fortement combattue et que je méditais quelque chose d'important: il m’a dit que tu devais m'avoir proposé de le quitter, qu'au bout de six mois tu ne m'aimerais plus, que je tuais mes parens, que je lui ravissais l'honneur, que je couvrais de honte mes enfans. Qu'il me permettait bien de t'aimer si j'avais de la prudence, mais que si je te suivais, fussions-nous au bout du monde, il viendrait te demander compte de l'affront que tu lui aurais fait, et que j'aurais sa vie ou la tienne à me reprocher.
      Mr. Richard est venu; il ne m'a rien donné. Je renonce à l'espérance. Je te verrai, si tu viens: il a dit qu'il ne voulait point l'empêcher. Je t'écrirai si je vais à Gênes. Je t'aimerai toujours. Mon coeur est oppressé. Non, non, je ne désolerai pas ma famille. Je mourrai en t'adorant. Vois ce que ma cousine m'écrit: je t'envoie sa lettre; tu verras son opinion sur les fautes des femmes. Moi, je me soucie fort peu de mes fautes si j'en supporte seule et les suites et la honte, mais ma famille... Non, je ne la sacrifierai jamais au penchant désordonné que tu m'inspires.
      Adieu mon ami. Je ne te demande point de m'être fidèle; tu es jeune, tu aimeras d'autres femmes. Mais une une qui t'adore comme moi, j'affirme que tu ne la rencontreras jamais.
      Je suis mieux.


ALLEGATO
                                                                                                           Toulon, le 24 Juin 1834
      Ma chère Nina, J'ai reçu ta lettre ce matin, et je m'empresse de te répondre, crainte, si je diffère, que la mienne ne te trouve plus à Turin. Je suis charmée que tu aies été satisfaite du pensionnat où tu dois placer ta fille. Embrasse-la pour moi et dis-lui que dès qu'elle saura écrire, je compte recevoir une de ses lettres. Ce que tu me dis de M.me Spinola ne m'étonne pas; avec ses idées romanesques, et après tout ce qui s'est passé, elle devait finir par s'enfermer dans un couvent. J'avoue que je ne puis partager l'opinion de ceux qui blâment la rigueur de Tommasino. Lorsqu'on se brouille pour la seconde fois, d'une manière aussi éclatante, lorsqu'on met toute la ville dans la confidence de ses chagrins domestiques, et surtout, lorsque la fortune est du côté de la femme, je trouve que le mari ne peut pardonner sans se rendre ridicule. Les torts qu'il peut avoir de son côté ne font rien à la chose; il est convenu que le monde oublie ceux des hommes, mais que lorsqu'une femme a perdu sa réputation, elle ne peut la recouvrer même par une conduite exemplaire.
      Peut-être je me trompe, mais c'est là ma manière de voir, et (toujours avec le même peut-être) je suis persuadée que Camilla maintenant si repentante, si triste, si éloignée du monde, n'aurait qu'à sortir de la position fausse où elle se trouve, pour redevenir gaie, élégante, etc. etc. comme elle l'était, il y a deux ans.
      Je plains bien M.me Defornari, je plains aussi sa pauvre Nièce, car ses fautes et sa folle tête, ne me font rien à moi, et je conçois combien elle doit être malheureuse de ne point voir ses enfants, de penser qu'elle sera étrangère à leur éducation, et qu'elle le deviendra peut-être à leur coeur, et de sentir tout l'embarras et tout le chagrin qu'elle doit causer à la famille Defornari. C'est assez parler d'elle. Causons un peu de nous.

      P.S. Envoie-moi tes lettres à Greoulx par Aix; Bouches du Rhône

divisore
Nomi citati:
Mr. Richard, mon mari, Nina, Camilla, M.me Spinola, Tommasino, M.me Defornari, ma cousine.
Toponimi citati:
Gênes, Toulon, Turin, Greoulx, Aix, Bouches du Rhône.

Allegati