GEN
31
1860

Des Ambrois, Luigi a Cavour, Camillo Benso di 1860-01-31 #4002


Mittente:
Des Ambrois, Luigi.
Destinatario:
Cavour, Camillo Benso di.
Data:
31 Gennaio 1860.

Particulière                                  
                                                                                                           Paris ce 31 janvier 1860

      Mon cher Comte,
      Le comte Cowley est persuadé que l'Autriche ne prendra pas les armes pour s'opposer à l'annexion de l'Italie centrale. Quant aux autres puissances, il pense qu'elles laisseront faire et il croit ainsi que la situation est bonne, que la paix sera maintenue.
      L'Angleterre et la France sont d'accord pour demander un vote nouveau aux peuples de l'Italie centrale, mais la forme de ce vote est l'objet d'une question réservée. L'empereur Napoléon insiste pour le suffrage universel: le Gouvernement britannique est d'avis contraire et voudrait seulement faire élire dans chaque état d'après les lois existantes une assemblée qui statuât sur le sort du pays.
      On ne dissimule pas qu'on a recours à cette nouvelle votation pour mettre à l'abri la responsabilité de l'Empereur en face des précédens qui le lient.
      Enfin Lord Cowley témoigne le plus vif déplaisir de ce qu'on pense à détacher de nous la Savoie. Il envisage ce projet comme dangereux pour notre indépendance et comme pouvant brouiller l'empereur Napoléon avec l'Europe, non qu'il croie qu'on fasse la guerre pour empêcher le passage d'une province sous une autre domination si le souverain actuel y consent, mais parcequ'un pareil précédent de la part de la France ferait une sensation fâcheuse dans les cabinets étrangers.
      Je lui ai dit simplement que nous ne poussions pas à la séparation d'une province à la quelle nous avions toujours été affectionnés. Puis je lui fis observer que la presse avait soulevé la même question pour le comté de Nice, afin de voir ce qu'il en dirait, et il s'est tu. Je ne crois pas qu'il y attache moins d'importance; mais peut-être espère-t-il que l'Empereur renonce plus facilement à Nice. J'ai quelques indices dans ce sens.
      J'ai demandé hier à Mr de Thouvenel explications sur la proposition qui concerne la Vénétie. Il m'en est résulté que la question de la Vénétie est réservée pour le moment et point du tout préjugée. Je pense qu'on a consenti à la réserver pour se mettre d'accord avec l'Angleterre sur les autres points.
      Je n'ai pas omis de faire sentir soit à Mr de Thouvenel soit à Lord Cowley que la situation de l'Italie centrale est tendue et qu'il y a urgence de pourvoir. L'un et l'autre ont manifesté la confiance que par votre ascendant sur les populations vous pourrez diriger le mouvement et le mener à bien.
      J'ai mandé un mot par télégraphe à V.E. touchant l'envoi d'Arese. J'ai vu que Thouvenel est très susceptible sur les rapports directs qu'on veuille avoir avec l'Empereur et malheureusement on a déjà annoncé dans les journaux qu'Arese viendrait ici dans ce but. Malgré toutes mes précautions et mes explications, Thouvenel a insisté à propos de votre voyage sur la nécessité que les affaires passent par son intermédiaire. Je ne sais trop si ayant le ministre favorable il nous convient encore d'établir un intermédiaire officieux ou du moins si son utilité serait suffisante pour compenser l'inconvénient de blesser Mr Thouvenel.
      Quant à moi personnellement, je ne me croirais aucunement blessé par l'envoi d'Arese dans les conditions qui lui sont faites. Je le verrais même arriver avec plaisir, parceque j'ai beaucoup d'estime pour son caractère et je suis persuadé que nous marcherions d'accord. Mais au point de vue de l'utilité politique, je vois bien des inconvéniens à l'usage d'un intermédiaire officieux. Ce qu'on lui dit n'engage pas et il nous expose ainsi à être acheminés dans une voie où nous pouvons être abbandonnés. Il me parait qu'il serait plus simple et plus avantageux de donner à Arese dès à présent la qualité de ministre. Il aurait tout aussi bien ses entrées auprès de l'Empereur et le langage qu'on lui tiendrait aurait une valeur plus sûre. D'autre part cette position régulière ne pourrait blesser les susceptibilités du ministre des Affaires étrangères.
                                                                                                                   Des Ambrois

      On m'assure que la brochure publiée par Mr Duhamel sur la Vénétie est sortie comme un ballon d'essai lancé par la presse gouvernementale, et que celle préparée par Mr de la Gueronnière sur le même sujet proposerait de constituer Venise ville libre en nous donnant le reste de la Vénétie moyennant une compensation en faveur de l'Autriche.
      Malgré l'accord du moment, il n'en est pas moins vrai que les sentimens de l'Angleterre et de la France sont tels que je les disais dans ma dernière lettre et ma conversation de ce matin n'a pas changé mon opinion à cet égard.

divisore
Nomi citati:
Luigi des Ambrois, Cowley, Duhamel, Mr de la Gueronnière, empereur Napoléon, Empereur, Thouvenel, Arese.
Toponimi citati:
Paris, Autriche, Angleterre, Europe, France, Italie, Vénétie, Nice, Venise.

Allegati