GEN
30
1860

Des Ambrois, Luigi a Cavour, Camillo Benso di 1860-01-30 #3992


Mittente:
Des Ambrois, Luigi.
Destinatario:
Cavour, Camillo Benso di.
Data:
30 Gennaio 1860.

Particulière et réservée
                                                                                                             Paris le 30 janvier 1860

      Monsieur le Comte,
      Voici un ensemble de renseignemens que j'ai recueilli par lambeaux de sources diverses et que je crois fondés:
      L'empereur de Russie a fait dire à l'empereur Napoléon qu'il ne peut le suivre dans la voie où il entre, trop favorable au principe révolutionaire et que cette voie a des dangers pour lui-même.
      Il paraît que la Russie laisse passer l'annexion des duchés, de la Toscane et des Légations comme fait accompli, mais qu'elle voudrait réserver au Pape une ombre de suzeraineté par respect pour les principes. Au reste elle a toujours ses vieilles simpathies pour nous.
      La Prusse adopte les conclusions de la Russie, mais paraît au fond très désireuse que nous soyons forts. Ayant demandé l'autre soir à Mr de Pourtalès des nouvelles du congrès, il me répondit en riant: que vous-importe? il viendra plus tard.
      L'Angleterre pousse la France et nous à détruire entièrement le pouvoir temporel du Pape non seulement par antipathie religieuse, mais aussi pour compromettre toujours plus l'Empereur avec le clergé et encore pour détourner nos vues de la Vénétie, qu'elle ne veut pas laisser tomber entre nos mains.
      Au contraire l'Empereur et son ministère maintiennent l'intention de réaliser son programme en libérant l'Italie jusqu'à l'Adriatique et sont disposés à nous donner la Vénétie afin de mettre un terme réel aux agitations de la péninsule et de créer un état de choses durable.
      Une méfiance secrète régne entre l'Empereur et les chefs du gouvernement britannique. L'Angleterre aime à considérer ce qui se fait à présent comme éphémère et rêve dans une époque plus ou moins éloignée un nouveau 1814, dans lequel toutefois elle paraîtrait disposée à nous conserver des aggrandissemens pour nous renforcer contre la France.
      Elle cherche dès à présent à recruter des alliés puissans et elle manœuvre auprès de la Russie (je sais ceci très secrètement de bonne source); en même tems elle fait des préparatifs formidables de défense.
      L'empereur Napoléon, qui a vent de tout ceci, dissimule, mais sent les difficultés de sa position. Il étudie pour ne pas trop hazarder et ne voulant pas encore fixer ses idées, il ne croit pas venu le moment de s'entendre avec vous. Voilà, je crois, la principale raison de sa réponse d'hier, raison à la quelle se joint peut-être le désir d'éviter ainsi que vous alliez à Londres dans un moment où son entente avec l'Angleterre est si compromise.
      J'ai tâché de savoir s'il y avait ici des préparatifs militaires. Il me résulte que dans les bureaux du ministère de la Guerre on travaille pour porter l'armée d'Italie à 60.000 hommes d'effectif.
      Mr Kern ministre de Suisse s'est donné beaucoup de mouvement pour savoir ce qui se passe à l'égard de la question de la Savoie et de Nice. À la légation anglaise Mr Grey en l'absence de lord Cowley, puis Cowley même lui ont dit que l'Angleterre verrait de mauvais œil l'annexion de la Savoie à la France.
      Je tiens de Cobianchi que Mr Kern a officié un de ses amis rédacteur du Journal des débats afin que le journal publie un article sur la convenance de conserver la Savoie au Roi et, en cas de séparation, de faire passer le Chablais et le Faucigny à la Suisse plutôt qu'à la France.
      J'ai su ensuite que Mr Kern avait été mandé par l'Empereur. J'ignore si depuis lors il continue son opposition. Mais quant à son article, Cobianchi sait que Mr de Sacy a refusé d'en admettre la partie favorable à l'annexion à la Suisse.
      Le docteur Kern était venu chez moi le même jour m'entretenir de nouveau de cette question et me prier de faire attention que dans un traité de 1564 compris dans la confirmation générale que celui de 1816 établit des traités antérieurs la maison de Savoie et les cantons suisses s'étaient réciproquement engagés à ne jamais céder aucune portion de territoire sans leur agrément réciproque. J'ai cherché inutilement ce traité de 1564. Je n'ai trouvé dans celui de 1560 rien de semblable à ce que dit le docteur Kern et je me réserve de lui demander de majeures indications sans donner trop d'importance à la chose. Il est bien entendu que je lui ai d'abord déclaré n'avoir connaissance d'aucune négociation de cession de territoire.
      Je sais que la légation de Prusse a manifesté une opinion peu favorable à la cession. J'ignore pourtant si elle l'a fait officiellement. Celle de Russie tient un langage très réservé sur ce point. Il me revient néanmoins qu'elle préférerait le maintient du statu quo.
      J'ai réfléchi à ce que V.E. m'a écrit touchant le choix d'un ministre à Paris. Il me semble que soit d'Azeglio soit Arese devraient être agréés par l'Empereur.
                                                                                                                   Des Ambrois

divisore
Nomi citati:
Luigi Des Ambrois, empereur Napoléon, empereur de Russie, Empereur, Pape, Kern, Arese, d'Azeglio, Mr de Pourtalès, Cowley, rédacteur du Journal des débats, Grey, Cobianchi, maison de Savoie, Roi, Mr de Sacy.
Toponimi citati:
Paris, Russie, Toscane, Prusse, Angleterre, France, Italie, Vénétie, Londres, Adriatique, Suisse, Savoie, Nice, Chablais, Faucigny.

Allegati