GIU
8
1834

Cavour, Camillo Benso di a Salmour, Ruggero Gabaleone di 1834-06-08 #1358


Mittente:
Cavour, Camillo Benso di.
Destinatario:
Salmour, Ruggero Gabaleone di.
Data:
08 Giugno 1834.

                                                                                                         Turin, 8 juin 1834
      Ta lettre m'a fait un véritable plaisir. Ton mariage ne rencontre donc plus d'obstacles et dans moins d'un mois tu seras au comble de tous tes vœux, casé, posé pour le reste de ta vie, n'ayant plus à désirer que la continuation du bonheur dont tu seras en possession. Je te dis franchement que ces nouvelles ont fait un vrai plaisir à Turin; ceux qui te connaissent, comme ceux qui ne te connaissent pas, ont tous pris part à ce qui t'arrivait d'heureux, cela prouve beaucoup en ta faveur. Quand je te parle de la sympathie générale, je devrais peut-être en excepter les mamans, qui ont fait de terribles grimaces quand elles ont su que décidément tu ne voulais pas de leurs tote. Mais je crois que leur mauvaise humeur ne t'inquiète guère.
      J'espère que ta future voudra bien m'accorder une partie de l'amitié de son mari; lorsque tu n'auras absolument rien autre à lui dire, ce qui n'arrivera probablement qu'après la lune de miel, je te prie de lui présenter mes humbles hommages et de lui dire combien je serai heureux de faire sa connaissance.
      Venons maintenant aux affaires. L'approbation que tu donnes avec tant de grâce à tout ce que j'ai fait m'enchante et m'encourage à continuer à agir avec décision. Pour te le prouver, je t'annonce que je t'ai loué une vigne, et même une fort belle vigne, c'est celle de Panissera. Tu m'accuseras peut-être de précipitation, et voir même de pétulance, pour l'avoir fait sans même te consulter. Mais l'affaire pressait; j'étais convaincu que tu désirerais avoir une vigne sur la colline, qu'elle te serait absolument indispensable, pour pouvoir faire jouir à ta femme des plaisirs de la campagne, et en même tems être à portée de diriger toi-même le grand œuvre de ton appartement. Je ne savais où donner de la tête pour en trouver qui te convînt; enfin je rencontre Panissera chez Pollon; il m'annonce qu'il va partir, et veut louer sa vigne, je le prends au mot; nous nous mettons à discuter sur le prix, Pollon intervient, se fait arbitre, et fixe 700 francs pour toute la saison à commencer du premier août. Maintenant le contrat est fait, il n'y a plus à reculer; d'ailleurs je crois que tu seras content. La vigne Panissera est sans contredit la plus jolie, la mieux soignée, des vignes de la colline de Montcalier, sans en excepter la vigne Barol; elle est fournie de tout ce qu'il faut pour un ménage, au linge près; c'est-à-dire qu'il y a des lits tout garnis, une grande abondance de meubles, et jusqu'à une petite batterie de cuisine. Comme il faut tout dire, je t'avouerai qu'elle a deux inconvéniens, qui ne sont pas également graves. Le premier est qu'elle est un peu chaude pendant l'été, mais comme tu n'y arriveras qu'après les grandes chaleurs, tu n'en souffriras pas; l'automne en revanche y est délicieux; et la maison demeure habitable jusqu'à l'hiver. Le second c'est la difficulté du chemin. On y arrive en voiture, mais avec peine. Si tu avais des chevaux très fins, ce serait fâcheux. Cet inconvénient disparaît, si, comme je te le conseille, tu te contentes pour le moment de prendre une voiture de remise, dont on trouve de fort propres. Avec des chevaux qu'on n'est pas obligé de ménager, il n'y a plus d'inconvénient au chemin, car il n'offre aucun danger, tout son défaut est d'être très fatigant.
      La vigne Panissera est au-dessus de Montcalier, perpendiculairement à la vigne Barol. On y va de Turin dans une petite heure. Cette distance ne m'a effrayé; elle t'évitera les nombreux ennuis auxquels sont sujettes les vignes trop rapprochées des grandes villes. Il y a un jardin anglais charmant, et des promenades délicieuses. Dis-moi si tu veux que je fasse prendre dès à présent quelque disposition particulière. Venons à l'appartement de la ville. Binelli mettra la main aux voûtes jeudi ou vendredi de cette semaine. Il en a soumis les desseins à Jaillet et à moi, et nous leur avons donné notre pleine approbation. Il n'a pas pu nous préciser la dépense totale; mais il nous a promis que pour les trois chambres auxquelles il va travailler, elle ne dépassera pas 500. En même tems qu'il fait les voûtes, il doit rafraîchir les dorures, et ensuite donner une main de couleur à toutes les portes. Il y avait une difficulté fort grave pour le salon, la voici: la corniche, et les lambris des glaces, et les supports des consoles étaient dorés, dans l'ancien genre, tandis que les portes avaient une couleur et une forme moderne. Pour faire quelque chose de parfait il aurait fallu refaire toutes les portes; mais cela aurait été une dépense du diable; nous avons préféré en faire dorer quelques parties de manière à les mettre en rapport avec le reste de la chambre; je crois que cela réussira bien.
      Nous avons été ce matin avec Robilant voir sur les lieux s'il y avait moyen d'exécuter le passage que tu désires. La chose est extrêmement difficile, attendu l'existence d'une commodité supérieure, cependant il est possible de la faire; mais pour cela il faut établir une espèce de passage extérieur qui devra faire un détour et être fort grand. Robilant reculait devant la dépense; pour trancher la difficulté, j'ai dit que tu en supporterais la moitié. Il y aura maintenant un petit inconvénient, c'est que la chambre des garde-robes sera un peu moins claire; mais patience.
      J'ai un excellent domestique à te proposer, il a été tout l'hiver chez ma tante de Tonnerre, qu'il servait aussi bien que les gens de Paris. Il a une très bonne tournure et te convient sous tous les rapports. Un mot de ta part et je l'arrête. Tu n'as pas un sou à payer à Robilant avant la fin de septembre.

divisore
Nomi citati:
Ruggero Gabaleone di Salmour, Panissera, Robilant, tante de Tonnerre, ta future,ta femme, Pollon, Binelli, Jaillet.
Toponimi citati:
Turin, vigne Panissera, Paris, Montcalier, vigne Barol.

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