NOV
23
1833

Cavour, Camillo Benso di a Maurice, Adèle, n. de Sellon d'Allaman 1833-11-23 #1351


Mittente:
Cavour, Camillo Benso di.
Destinatario:
Maurice, Adèle, n. de Sellon d'Allaman.
Data:
23 Novembre 1833.

                                                                                                  Turin, 23 novembre 1833
      Ma chère cousine,
      Vous avez été assez bonne pour m'engager à vous écrire, et pour presque en exiger la promesse. Je serais un ingrat si je ne la tenais pas, et cependant c'est à peine si j'en ai la force. Vous m'avez donné une telle idée de votre talent pour démêler la moindre peccadille contre tout ce qui blesse les grâces, le bon goût et l'élégance, que je me sens tout intimidé en m'adressant directement à vous. Ce n'est pas que je vous fasse un reproche de cette sévérité, qui est un mérite à mes yeux, et que d'ailleurs vous dissimulez avec beaucoup de bonté. Non, c'est tout simplement un mouvement dont je ne suis pas maître. Encore si, depuis mon retour à Turin, j'avais pu composer une seule idée nouvelle; mais pas du tout: mon esprit n'a fait que tourner constamment dans la vieille ornière qu'il s'est tracée sans jamais en sortir un instant. Je crois même qu'il a perdu les traces de quelques sentiers hardis où il s'aventurait jadis. Voyez dans quelles dispositions d'esprit je suis pour entretenir une personne qui a un sens aussi exquis du vieux et du répèté!
      J'ai une nouvelle cependant à vous mander, que je suis sûr vous fera plaisir; ma tante Victoire est de nouveau dans son état normal. Son irritation a disparu à peu près tout à fait, à peine s'il en reste trace. Même envers moi, elle a repris son ancienne affabilité et je croirais presque que son affection pour moi s'est réveillée; et si elle n'a pas atteint le même degré où elle l'avait poussée autrefois, lorsqu'elle me croyait destiné à de brillantes destinées, elle est à un point qui me satisfait tout à fait. Ce qui m'a fait un plaisir tout aussi vif que sa désirritation, c'est de voir comment elle a su apprécier votre mari, comme il le méritait. Pendant le séjour que vous avez fait au Bocage, elle a pu connaître à fond toutes ses excellentes et aimables qualités, et aussi elle lui rend pleine et entière justice. Paul-Émile m'a rendu là un bien grand service; car il m'a procuré un sujet sur lequel ma tante et moi pouvons disserter indéfiniment sans cesser d'être d'accord.
      Ma tante m'a dit que vous aviez renoncé au voyage de Naples, mais que très probablement vous iriez ce printemps faire une course à Paris. Tel est l'ascendant que la raison de Paul-Émile a pris sur elle, qu'elle m'a avoué qu'il vaudrait mieux pour vous que vous fussiez à Paris tandis qu'elle n'y est pas. Elle craindrait pour vous l'irrésistible attrait des bergères de ses salons. Quant à moi, je craindrais moins les bergères que les charmes de la conversation élégante et futile des sommités du noble et insipide faubourg, qui affluerait dans les salons de ma tante, et ne manquerait d'exercer sur votre esprit et surtout sur votre jugement un effet, à mon avis, funeste. Je vous prie de dire bien des choses à votre famille, surtout à ma tante, à laquelle je me reproche de ne pas encore avoir écrit. Mais j'ai voulu attendre pour cela d'avoir lu tous les livres qu'elle m'a prêtés.
      Agréez l'assurance de mes sentiments de dévouement, avec lesquels je suis
                                                                                              votre très obéissant
                                                                                                  cousin Camille

divisore
Nomi citati:
Adèle de Sellon d'Allaman Maurice, chère cousine, tante Victoire, votre mari, Paul-Émile, Ma tante.
Toponimi citati:
Turin, Paris, Bocage, Naples.

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