NOV
23
1859

Cavour, Camillo Benso di a Circourt, Anastasie de, n. Klustine 1859-11-23 #3783


Mittente:
Cavour, Camillo Benso di.
Destinatario:
Circourt, Anastasie de, n. Klustine.
Data:
23 Novembre 1859.

                                                                                                         Leri, 23 novembre 1859

      Je voulais attendre avant de répondre à la lettre amicale, que vous m'avez écrite en rentrant à Paris, d'être en mesure de vous faire connaître mes projets pour cet hiver. Certain de l'intérêt que vous voulez bien me porter, je ne doutais pas que vous auriez appris avec plaisir ce que je comptais faire. Je croyais que le traité de Zurich, en me permettant de sortir de ma solitude, me laisserait libre de prendre un parti. Il n'en est malheureusement rien. Je suis plus incertain maintenant que je ne l'étais il y a huit jours. Aussi je ne veux plus tarder un instant à vous remercier de tout ce que vous me mandez de bon et d'aimable.
      Vous serez peut-être étonnée de me voir dans un état d'incertitude complète, car d'ordinaire je n'hésite guère. Mais cet étonnement cessera si vous réfléchissez à la position où je me trouve. Ma présence à Turin n'est utile à personne et elle est gênante pour beaucoup de monde. Quoique très disposé à appuyer le ministère composé d'hommes loyaux et animés des meilleures intentions, je ne puis me remuer sans l'ébranler. D'autre part je lui nuirais si je persistais à demeurer caché dans mes rizières. On dirait que je boude et cela me rendrait ridicule. Il me reste la ressource de voyager. Mais où aller? La politique m'interdit l'Italie, et les convenances la France et l'Angleterre. Je n'ai pas le courage d'affronter l'atmosphère froide et lourde des métropoles de l'Allemagne, et je souffre trop du mal de mer pour être tenté par un voyage transatlantique. Je suis donc réduit à la recherche de ce que je dois faire, sans trouver une solution convenable. Il est probable que, faute d'un bon parti à prendre, je n'en prendrai aucun, et je me laisserai guider par le hasard. Si le Congrès va vite en besogne, j'irai, avant la fin de l'hiver, faire une course à Paris, où je me sens attiré par le désir de vous voir et de jouir en paix des délices de l'oasis social qu'on retrouve encore chez vous, au milieu des déserts du luxe et de la vanité.
      Depuis trois mois je mène une vie complètement agricole. Je m'occupe assidûment de mes champs et de mes vaches. La politique, grâce au ciel, ne m'a pas trop rouillé. Je suis encore un agriculteur très passable, qui ne se ruine pas en améliorant ses terres. Je trouve mes anciennes occupations si agréables, que, si la question italienne eût reçu une solution telle qu'il me fût permis de sortir avec honneur de la politique, j'y consacrerais le reste de mes jours.
      Le marquis de Villamarina est rappelé; on envoie à sa place Mr Desambrois, ex-ministre de Charles Albert, un de ceux qui par une administration sagement libérale ont préparé notre pays au régime constitutionnel; c'est un homme d'un grand mérite. J'espère qu'il réussira, surtout s'il parvient à vaincre sa timidité et sa taciturnité.
      J'ai envoyé à Mr Beulé deux lettres pour la Sardaigne. Il doit les avoir reçues depuis longtemps. Croyez, chère comtesse, à mon inaltérable attachement.
                                                                                                                         C. Cavour

divisore
Nomi citati:
Anastasie di Circourt, Charles Albert, Villamarina, Desambrois, Mr Beulé.
Toponimi citati:
Leri, Paris, Zurich, Turin, Italie, France, Angleterre, Allemagne, Sardaigne.

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