NOV
23
1859

Cavour, Camillo Benso di a a ... 1859-11-23 #3782


Mittente:
Cavour, Camillo Benso di.
Destinatario:
a ....
Data:
23 Novembre 1859.

                                                                                                       Leri, 23 novembre 1859

      Mon cher Monsieur,
      Vous me faites l'honneur de me demander quel est à mon avis la ligne de conduite la plus utile à l'Italie que puissent suivre les hommes politiques d'Angleterre. Après y avoir longuement réfléchi, je crois que ce qu'ils ont de mieux à faire c'est de soutenir ouvertement énergiquement le programme formulé par Lord John Russell et que le ministère paraît vouloir pratiquer: laisser que les affaires de l'Italie soient réglées par les Italiens. Les événements de ces derniers mois, ceux qui se succèdent journellement ont démontré à l'Europe de la manière la plus évidente que les Italiens sont capables de se gouverner eux mêmes, et qu'ils n'ont plus besoin de tuteurs. Cela admis, les gouvernements étrangers n'ont plus de titres légitimes pour se mêler des affaires intérieures de la péninsule. Si le congrès, qui va se réunir, sanctionne ce principe grâce aux efforts de l'Angleterre et avec le concours de la France, l'Italie devra aux deux grandes puissances occidentales une reconnaissance éternelle. Elle ne doit lui demander rien de plus; pas même d'être aidée à compléter son émancipation en arrachant la malheureuse Vénétie aux serres impitoyables de l'aigle autrichienne. Le principe sus énoncé doit obtenir l'assentiment de tous les partis en Angleterre. Les Torys peut-être pourront ajouter que la liberté d'action des Italiens doit être limité de manière à ce qu'elle ne trouble pas l'ordre européen et ne constitue pas un danger pour les autres peuples. Quoique cette limitation ne soit pas conforme aux principes du droit public libéral, je serais tout prêt à l'admettre, tant j'ai foi dans la sagesse et le bon sens pratique de mes concitoyens. Que l'Europe s'abstienne de toute intervention dans nos affaires, sauf le cas où le désordre et l'anarchie, les passions révolutionnaires et les doctrines antisociales feraient de l'Italie un foyer dangereux pour le reste du monde, et nous nous déclarerons satisfaits. J'irai même plus loin, et reconnaissant certaines nécessités que l'organisation de la société catholique imposent aux Puissances qui professent cette religion, je suis disposé à admettre que l'indépendance du souverain Pontife soit une question internationale. Pourvu toutefois que par indépendance on n'entende pas le maintien du pouvoir temporel dans les limites tracés par les traité de 1815.
      Si je ne me trompe pas, la ligne que je viens de tracer me paraît facile à suivre. En se fesant les défenseurs zélés du principe de non intervention tels [sic] que je viens de le poser, les hommes d'État de l'Angleterre obtiendront facilement le concours de l'opinion publique et ils l'imposeront à tous les partis qui peuvent se succéder au pouvoir, à moins que les disciples des Rev. Mac Hale et Cullen ne soient appelés à prendre la place de Lord Palmerston et Lord John Russell.
      Après m'avoir posé une question, vous émettez l'avis que l'Italie centrale devrait évoquer le fantôme de la Republique en lui donnant un costume historique pour épouvanter l'Europe et l'amener par là à sanctionner son annextion [sic] à la Sardaigne sous le sceptre de Victor Emmanuel. Franchement je ne saurais partager cette opinion. Ce qui fait la force de l'Italie c'est la maturité dont les Italiens on fait preuve, c'est le sens pratique qu'ils ont déployé, leur persistance à poursuivre le but suprême de leurs efforts et de leurs vœux au prix du sacrifice de leurs intérêts, de leurs souvenirs, de leurs anciens préjugés municipaux. En arborant le drapeau républicain ils se mettraient en contradiction avec eux mêmes; ils perdraient l'appui moral de tous les hommes modérés sans parvenir à jeter l'épouvante au milieu de l'Europe réunie en congrès. Je crois que les Italiens n'ont qu'une chose à faire: persévérer, chaque jour augmente la force des arguments que leurs amis peuvent faire valoir en leur faveur. Tout changement de direction serait nuisible, quand même il serait provoqué par une cause légitime. Car je ne crois qu'aucune raison plausible puisse être mise en avant en faveur de tendances républicaines.
      J'espère que vous voudrez bien accueillir cette réponse comme une preuve du cas que je fais des services que vous avez rendu à la cause de la liberté, et que lors même que vous ne partageriez pas ma manière de voir, vous ne cesserez pas pour cela de prêter à ma patrie l'appui de votre influence et de votre parole.
      Je vous prie de considérer cette communication comme de nature tout à fait confidentielle. Dans la position délicate où je trouves [sic] je dois demeurer aussi caché que possible.
      Recevez, mon cher Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.
                                                                                                                    C. Cavour

divisore
Nomi citati:
Lord John Russell, Mac Hale, Cullen, Lord Palmerston, Victor Emmanuel.
Toponimi citati:
Leri, Italie, Angleterre, Europe, France, Sardaigne, Venetie.

Allegati