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30
1835

30 maggio 1835


Nous avons été à Milbank avec Mr. Reeves. En arrivant on nous a conduits à la chapelle, où l’évêque de Londres était venu donner la confirmation à ceux qui ne l’avaient pas encore reçue. La cérémonie est fort simple, chaque prisonnier est venu à son tour s’agenouiller devant l’évêque qui leur a imposé la main sur la tête et récité une courte prière; lorsque la cérémonie fut finie, l’évêque monta en chaire, et adressa une courte mais convenable exhortation aux prisonniers. Il n’y avait pas lieu d’être aussi philosophe qu’il l’avait été le dimanche auparavant au sujet de l’instruction populaire, mais il y avait lieu à être persuasif et commovente (émouvant) et en cela il a parfaitement réussi. Plusieurs personnes étaient émues jusqu’aux larmes et l’aumônier m’a dit qu’il croyait s’être aperçu d’un effet profond chez plus d’un d’entre eux. Après la cérémonie le capitaine Chapman, gouverneur de la prison, nous a fait voir en grand détail toutes les parties de la prison. Elle se compose de six cours pentagones qui s’appuient sur un bâtiment hexagone central; les ailes qui entourent les cours contiennent les cellules des prisonniers sur deux étages, et une seule rangée par étage. Chaque aile contient environs 22 cellules de sorte que le bâtiment total en contient à peu près mille, et peut contenir un nombre égal de prisonniers, maintenant il n’y en a que 620. Dans le bâtiment central il y a les logements des employés supérieurs de la maison, les magasins, et plusieurs infirmeries. Dans la cour qui est enveloppée par cet hexagone se trouve la chapelle, qui communique avec lui par plusieurs ponts suspendus. Les prisonniers renfermés à Milbank sont tous des individus condamnés à la déportation et dont la peine a été commuée en emprisonnement. Personne n’est condamné à moins de cinq ans. Chose extraordinaire et qui fait honneur au système disciplinaire de la prison la plupart des condamnés préfèrent la déportation à l’emprisonnement, et si on leur laissait l’option bien peu d’entre eux choisiraient d’aller à Milbank. Sous ce rapport on voit que le but de l’intimidation est jusqu’à un certain point atteint. La discipline est stricte et sévère. Les prisonniers sont soumis à la loi absolue du silence, qu’ils ne peuvent rompre dans aucun temps ni aucune circonstance. Ils travaillent séparément dans leurs cellules; mais deux fois par jour on les en sort pour les mener dans la cour travailler au moulin à bras, ce qui leur fait faire un exercice extrêmement salutaire à l’esprit comme au corps. Les punitions qu’on emploie envers eux sont le pain et l’eau, les fers et enfin la cellule ténébreuse. Nous sommes descendus dans un de ces trous, et en vérité j’affirme n’avoir vu de plus noir dans ma vie. Malgré cela l’emprisonnement solitaire et ténébreux ne suffit pas pour dompter certains esprits fortement trempés. Mr. Aubanel me l’avait dit; mais le gouverneur de Milbank nous l’a pleinement confirmé. Il nous a cité l’exemple d’un homme qui s’était mis dans la tête que son temps d’emprisonnement était fini; il refusait obstinément de travailler. On le mit dans la cellule ténébreuse et pendant dix jours on ne put rien obtenir de lui, pas la moindre promesse. Il tomba malade au bout de ce temps, on le transporta dans une infirmerie séparée, et lorsqu’il fut guéri, on le redescendit dans la cellule. Il persista dans son obstination, et continua à braver le gouverneur jusqu’au bout du vingt-huitième jour d’emprisonnement, époque à laquelle, par une décision positive de la loi, il a fallu le sortir. Le gouverneur prit alors le parti de le laisser parfaitement libre, mais il lui déclara qu’il aurait à manger dans l’exacte proportion de l’ouvrage qu’il ferait. Ce moyen au bout de deux ou trois jours devint tout-puissant. Et ce même homme qui avait résisté aux intimidations des châtiments, céda à l’attrait de se procurer une petite jouissance. Le travail lui parut une récompense et non plus un châtiment et il s’y soumit. Cet homme est maintenant un fort bon sujet. Les prévenus reçoivent une nourriture saine et abondante; ils font trois repas, mangent de la viande trois fois par semaine, et de la soupe tous les jours; le pain q’on leur donne est excellent. Je crois ce régime trop bon pour des coupables, on pourrait sans inconvénient en retrancher quelque chose, mais les médecins ont été d’un avis différent. On a beaucoup accusé Milbank d’être malsain, en effet dans les commencements une sorte de maladie épidémique s’y est déclarée, et il y a eu un grand nombre de malades mais, en consultant les registres mortuaires, on voit que la proportion des décès à la population de la prison n’est pas forte; en comptant l’année du choléra où le nombre des décès a doublé; elle est tout au plus de 2 ½ à trois pour cent. Proportion moindre que dans la plupart des États du continent. Un comité, nommé par le ministre de l’intérieur, a la direction suprême de l’administration de la prison; il s’assemble toutes les semaines et tout doit lui être soumis. Sous ses ordres, un gouverner et un aumônier dirigent, chacun pour sa partie, les détails de l’administration intérieure. L’aumônier fait son service tous les jours à la chapelle à la présence des prisonniers; il va dans les cellules lorsqu’il le juge convenable, porter aux prisonniers des paroles de paix et d’encouragement; enfin il surveille l’instruction des enfants et des hommes illettrés, qui se donne dans les corridors mêmes de la prison, plusieurs fois par semaine. Chaque prisonnier a dans sa cellule une bible et d’autres livres religieux et pas un seul ne sort de Milbank sans savoir parfaitement lire et écrire. Le droit de grâce, ou pour mieux dire de commutation, peut s’exercer vis-à-vis des prisonniers lorsqu’ils ont passé plus de trois ans en prison. Sur la recommandation du comité, le ministre de l’intérieur remet au condamné le reste de sa peine. Il paraît qu’il est fait un usage fréquent de ce droit. Les effets qu’il produit sont appréciés diffèremment par le gouverneur et le chapelain. Le premier le croit fort utile, il croit qu’il engage les prisonniers à se bien conduire, encourage les efforts de régénération, enfin leur inspire envers ceux qui sont chargés de les surveiller des sentimens de reconnaissance et de respect. L’aumônier au contraire pense que loin d’aider à la régénération des coupables, ce droit y nuit; et qu’il n’encourage que l’hypocrisie. Je crois moi que le droit de grâce facilite beaucoup l’administration intérieure de la prison, mais est plutôt nuisible qu’avantageux à la régénération réelle des prisonniers. Le chapelain, quoique opposé au droit de grâce, est bien loin de nier la possibilité de la réforme morale des prisonniers; il m’a cité au contraire de nombreux exemples de personnes qui en sortant de Milbank ont tenu une conduite exemplaire. Un jeune homme entr’autres, condamné pour vol domestique, alla en sortant de la prison trouver son ancien maître, et lui rapporta une somme considérable, partie du vol qu’il avait fait, et qu'il était parvenu à soustraire à la justice. Cette somme lui appartenant légalement, le maître refusa de la prendre; le jeune homme insistant avec ardeur, il fallut l’employer à des actes de charité. Le maître, touché de cette conduite vertueuse, voulut reprendre à son service son ancien garçon; mais celui-ci refusa disant: qu’en travaillant chez un orfèvre il serait exposé à trop de tentations; et il alla s’établir dans un endroit éloigné, où, depuis quatre ans, il est un modèle d’ordre, d’industrie et de vertu. Je n’ai pas pu obtenir de grands détails sur les dépenses de la prison. Les Anglais ne tiennent pas leurs comptes avec cette minutieuse coquetterie des Français, et il est rare qu’ils les disposent de manière à offrir des résultats généraux; cependant il me paraît qu’on doit dépenser énormément d’argent à l’entretien de Milbank, car il y a un luxe excessif de gardiens, de gardiennes et d’employés de toutes sortes. Comme dans les autres prisons, les gardiens sont des anciens sous-officiers. Le capitaine Chapman me paraît être un homme tout à fait distingué; et s’étant consacré entièrement à la besogne qui lui est confiée, si on savait l’employer, on trouverait encore dans ce monde plus de dévouement qu’on ne le pense. Nous avons dîné chez Mr. Edward Romily 1, avec son frère Jones, Mrs. Senior, Prevost et Asten. La conversation n’a été ni fort intéressante, ni fort instructive. Mr. Asten appartient au parti libéral le plus avancé. C’était lui que j’avais vu le jour d’auparavant attaquer avec tant de vigueur, devant un comité de la Chambre, l’élection des deux membres Torys d’Ipswich.

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