LUG
30
1834

30 luglio 1834 - 30 luglio 1834


Diario:
1834.

      Nous avons fait notre course du Vallasque. Tout a fort bien été. Mlles de G[uasco], de la Rovere et de Robion se sont prodigieusement amusées sans jamais cependant dépasser les limites du bon ton et des bonnes manières. Mme de G[uasco] a été aussi aimable, aussi passionnée qu'il est possible de l'être. Il n'a été question que de grands sentimens, c'est admirable. Je suis presque tenté d'y croire, tant elle paraît y mettre de chaleur et de bonne foi. Elle m'a franchement avoué toutes ses intrigues passées en m'assurant que rien de ce qui l'avait occupée n'approchait du sentiment qu'elle ressentait dans ce moment. Ce qui donne une grande probabilité à tout ce qu'elle dit, c'est la conviction profonde, et malheureusement trop bien fondée, que sa santé ne pourra jamais plus se remettre et qu'elle n'a plus que peu d'années à vivre. Puisse-t-elle se tromper. Je suis dans une position affreuse: entre deux femmes faibles, malades, épuisées de force, qui m'assurent toutes deux ne plus vivre que pour moi. Que faire? je me serais attendu à tout au monde, plutôt que de trouver tant de sentiment dans Clémentine. Dans mes plus mauvais momens, je n'ai jamais cru qu'il s'agît d'autre chose que d'une intrigue à la turinoise, qui est aussitôt commencée que finie; je ne donnais à ces grands mots que la valeur que toutes nos dames y attachent. Et maintenant il se trouve que je me suis trompé, que ce qu'elle me disait est vrai, et qu'elle a une profonde sensibilité. Mais il se peut qu'elle et moi nous nous abusions tous deux; ce qu'elle me dit elle le croit sentir effectivement, mais cela part-il en effet du fond de son cœur? Son amour forme-t-il une partie essentielle de son être? Le tems nous l'apprendra. Maintenant, il ne me reste plus qu'à faire tous mes efforts pour lui cacher ma passion pour Nina; cela ne sera pas facile; mais enfin espérons. Et la pauvre Nina il faut aussi la tromper. Ô, c'est horrible!

      J'ai reçu ce matin une lettre fort longue de papa en réponse de celle où je lui fesais l'entière confidence de tout ce qui s'était passé entre Nina et moi. Il est impossible d'unir plus de tendresse paternelle à plus d'indulgente sagesse; il me parle en même tems comme un père et comme un ami. J'en ai été vraiment touché. On m'avait étrangement trompé sur le compte de Mr de Rével; il s'est positivement refusé de se mêler de cette affaire tant qu'il n'y aurait pas de scandale public: il a même ajouté qu'il s'était abstenu de châtier Mr de Ternengo lorsqu'il s'était vanté d'avoir obtenu les faveurs de sa nièce, femme d'un aide de camp du roi, quoiqu'il n'en fût rien. Les lettres que Nina m'écrivait ont été enlevées par le mari, qui a séduit ou le pedon de Vinadio, ou quelqu'autre employé subalterne des postes. Je ne lui en veux pas. Pauvre homme, je suis encore en dette envers lui, et je ne vois pas comment jamais je pourrai m'en acquitter.
      J'ai reçu à la fois trois lettres de Nina. Dans la première, datée de Millesimo, elle m'avoue franchement qu'elle aura vingt-sept ans le 9 du mois prochain. Je ne lui en croyais que vingt-cinq passés; mon erreur n'était pas grande. Elle m'annonce ensuite qu'elle veut me faire une confession de sa conduite passée, et voici en quels termes:
 
      Il y a encore telle chose dans ma vie passée que mon ami R. m'a conseillé de ne jamais dévoiler, mais tu la sauras; je te la dirai ou je te remettrai moi-même un écrit qui te la fera connaître. Il faut que tu voies mon cœur à découvert. Tu n'en saurais former un, où ton image fût plus profondément gravée et qui ressentît plus d'amour et de dévouement pour toi [...]. Il faut que je t'explique tout, que tu me connaisses mieux que moi-même. Tu m'aimeras moins, mais j'aurai la conscience de ne point usurper ton affection.

      La seconde est écrite de Savone. Elle m'apprend que son mari a congédié sa femme de chambre: c'était une infâme coquine. Le reste est plein des plus tendres expressions d'amour que je suis bien loin de mériter.

      Elle m'a écrit la troisième en arrivant à Voltri. Pauvre femme, elle a le courage inouï de me tout dévoiler. Sa conduite, est-ce que je connaisse [sic] de plus noble et de plus généreux?

      J'avais commencé à écrire ce que tu dois savoir; je me suis arrêtée, ma tâche est pénible: peut-être aurais-je moins de peine à te dire de vive voix ce que je crains âe t'apprendre. Quelque [sic] soit l'impression que mes aveux pourront te causer, laisse, laisse-moi t'aimer. Une seule ligne peut les contenir tous et j'ai déjà écrit deux pages sans rien dire encore de positif. Je veux remonter aux causes, je me perds en paroles. Eh bien, hâtons-nous, oui, hâtons-nous. Cette femme a été sept fois coupable avec l'insulaire. Si par la suite, l'année dernière, elle n'a pas poussé les choses jusqu'à ce point, elle n'a point le mérite de la résistance. Elle abhorre le passé, le pleure avec des larmes de sang, elle s'abandonnait au courant, elle n'attachait aucun prix à sa personne, elle croyait être bientôt délivrée d'une machine incommode au travers de laquelle son âme ne pouvait se faire connaître. C'est le front dans la poussière, c'est à tes pieds qu'elle devrait te dévoiler ces choses. Elle n'a aimé, vraiment aimé, que toi. Repousse-la, si elle te fait horreur, mais elle t'aimera toujours, toujours. Grand Dieu! que dira-t-il? Ah s'il ne m'aimait plus, ouvre-moi ton sein. Enfin elle a parlé, plus rien ne pèse sur sa conscience; elle se relève, te regarde, te dit: c’est dit, tu peux l'apprécier à sa juste valeur. Du moins, elle ne t'aura pas trompé.
 
      Bonne Nina, tu croyais m’apprendre quelqe chose, mais aux détails près, je savais tout cela. D’après ce que tu m'avais dit à Turin, je ne pouvais guère douter des succès de l'Anglais; et quant au Milanais, je savais que tu lui avais permis bien des choses, sans qu'elles eussent été poussées à la dernière extrémité. Va, je ne t'en veux pas, j'ai bien autre chose sur ma conscience.

divisore
Nomi citati:
de G[uasco], la Rovere, de Robion, Mme de G[uasco], Clémentine, Nina, papa, Mr de Rével, Mr de Ternengo, son mari, mari, femme de chambre, R..
Toponimi citati:
Vallasque, Millesimo, Vinadio, Savone, Voltri, Turin.

Allegati