AGO
29
1833

29 agosto 1833 - 29 agosto 1833


Diario:
1833.

      Salins est arrivé à Genève; j’ai passé toute la matinée avec lui. Nous avons beaucoup causé des derniers évènemens politiques du Piémont et de l’état des esprits dans ce pays et dans la Savoie. Il partage entièrement ma manière de voir à cet égard. Nous croyons tous les deux qu’au premier mouvement des français l’édifice du gouvernement croulerait comme une masure pourrie, écrasant sous ses décombres bien des personnes. J’ai été affligé des opinions religieuses de Salins; il ne tient aucun compte du sentiment religieux, il nie presque son existence. Son séjour au milieu d’une population aussi fortement irritée contre le clergé que celle de la Savoie et surtout de Chambéry lui a donné des idées fâcheuses et erronées.
      Je suis retourné à la prison pénitencieire [sic] et j’ai assisté au dîner des prisonniers et à l’heure de leur repos ou récréation. J’ai été frappé du calme, de l’ordre, je dirai presque du recueillement qui régnaient parmi les détenus de toutes les catégories. Ceux soumis au silence absolu ont passé tout le tems sans commettre la moindre infraction au règlement. Les assujettis au régime le plus sévère marchèrent en ordre, à distance égale les uns des autres, autour de leur cour sans faire le moindre bruit; plusieurs d’eux étaient occupés à lire. J’en ai vu beaucoup aussi dans les autres classes qui avaient des livres à la main. La fin de la récréation et le retour dans les ateliers ont eu lieu sans bruit et sans le moindre désordre. Une minute après le dernier coup de cloche tous les détenus étaient à l’ouvrage. Mr Aubanel a été assez bon pour me donner des détails intéressans sur l’état moral de la prison. Il attribue le manque de succès partiel du système pénitencière [sic] à Genève, d’abord à la trop grande indulgence et aux autres imperfections de l’ancien règlement, ensuite à la manière défectueuse dont l’instruction religieuse, et les consolations qu’elle procure, a été donnée par les chapelains qui en étaient chargés. Telle est leur négligence, qu’il arrive souvent qu’un prisonnier passe plus d’une année sans recevoir de visite du prêtre de sa communion. Il espère remédier à cette lacune si grave, en engageant, moyennant une suffisante indemnité, deux membres du comité de surveillance, l’un protestant, l’autre catholique, à consacrer chacun deux heures par jour à la visite et à l’instruction religieuse des détenus.
      Je lui ai demandé si l’amélioration morale des individus était due ordinairement à un retour vers des idées religieuses; ou bien si le développement du sentiment religieux n’était qu’un corollaire des progrès déjà faits vers le bien. Il m’a répondu que presque toujours c’était le dernier cas qui avait lieu. Que les premiers indices de régénération étaient un plus grand esprit d’ordre et de soumission. Lorsque cet esprit avait fortement pénétré dans la tête des détenus, alors on pouvait espérer de réveiller peu à peu le sentiment religieux.
      Ce qui m’a fort étonné c’est qu’il n’attribue pas à la réclusion ténébreuse la même efficacité qu’on le fait ordinairement. Un détenu, après avoir passé six jours dans la cellule ténébreuse, ne donna presque aucun signe de repentir ou seulement d’abattement.
      Mr Aubanel a été tellement frappé du livre de Pellico, qu’il en a fait lui-même la lecture aux détenus. Il m’a assuré qu’elle avait produit un effet éminemment salutaire.
      En rentrant, j’ai eu une longue conversation avec Cécile sur la religion. Décidément elle appartient de cœur à l’église séparatiste de Gaussain et compagnie.
      Il est souverainement ridicule de ne pas savoir danser. Je l’ai bien reconnu ce soir.

divisore
Nomi citati:
Salins, Aubanel, Pellico, Cécile, Gaussain.
Toponimi citati:
Genève, Piémont, Savoie, Chambéry.

Allegati