SET
26
1833

26 settembre 1833 - 26 settembre 1833


Diario:
1833.

      Nous sommes revenus à Genève par le bateau à vapeur. Mr Ramus était sur le bateau à vapeur avec nous; j’en ai profité pour lui demander des renseignemens sur l’éducation que l’on reçoit à Hoffwill. Très gracieusement il a satisfait à mes demandes dans le plus grand détail. Quelques jours auparavant, j’avais eu une conversation sur le même sujet d’Hoffwil avec le docteur Prévost, et à ma grande satisfaction j’ai reconnu qu’en tenant compte des points différens où ils étaient placés, et des modifications que leurs caractères et manière d’être devaient nécessairement apporter dans leurs jugements, les résultats de leurs observations étaient parfaitement identiques. Voici donc ce que je crois être la vérité déduite, de ce que ces messieurs m’ont dit. La partie de l’enseignement est très faible, à Hoffwil les enfants reçoivent des notions sur un assez grand nombre de sujets, mais ils n’approfondissent rien, et lorsqu’ils sortent de là, on est obligé de leur faire recommencer toutes les études qu’ils n’avaient fait qu’effleurer. Mr Prévost croit pourtant que les organes de l’intelligence sont assez bien développés au sortir d’Hoffwil, et que l’élève, quoique dans un état d’infériorité relative par rapport aux jeunes gens du collège de Genève, pourra dans quelques mois de travail assidu se mettre à leur niveau. Mr Ramus ne partage pas cette opinion. Ce contraste d’opinion est tout naturel. Mr Prévost, avant tout physiologue, observe et apprécie le jeu des organes; tandis que Mr Ramus, dont le savoir consiste principalement dans l’érudition, ne fait cas que du nombre et de la valeur des idées acquises. La faiblesse de l’enseignement tient uniquement au mauvais choix des professeurs et à leur changement continuel. Mr Fellemberg, voulant les payer fort peu et leur imposer un assujettissement complet à ses idées, ne peut avoir que des personnes au-dessous du médiocre, ou bien des jeunes gens sortant des universités, qui désirent faire un voyage en Suisse, ou qui se trouvant dénués de toutes resources, acceptent une place à Hoffwil dans l’intention. de la quitter dès qu’ils auront trouvé mieux. Il est bien rare qu’un professeur un peu distingué passe une année entière chez Mr de Fellemberg. La partie physique de l’éducation est on ne peut plus satisfaisante. Non seulement les élèves acquièrent et conservent une parfaite santé, mais les exercices gymnastiques auxquels on les assujétit [sic] développent tous leurs organes d’une manière remarquable. Mr Prévost croit que sur dix jeunes gens élèves chez Mr de Fellemberg et dix élèves à Genève, les dix premiers disposeront d’une masse de force à peu près double des dix derniers. Sans compter une facilité bien supérieure de s’en servir d’un nombre infini de manières inconnues aux élèves genèvois. On s’occupe beaucoup du caractère des enfants à Hoffwil, et l’on s’applique surtout à développer chez eux des sentimens élevés et très larges. Mr de Fellemberg tâche de leur inspirer une haute philanthropie [sic], qui les porte à aimer l’humanité comme un être réel, à s’intéresser à ses progrès, et à se dévouer à son bonheur, pour son plus grand bien. Ses [sic] sentimens d’un ordre si élevé ne nuisent point à ceux qui doivent se [sic] pratiquer dans l’ordinaire de la vie; au contraire. L’élève de Fellemberg a une grande disposition à la bienveillance individuelle, et l’amitié est chez lui un sentiment réel et presque nécessaire. L’ensemble du caractère se ressent de l’esprit général de l’éducation, qui est de mettre les élèves le plus tôt et le plus souvent possible en présence des réalités de la vie morale et de la nature physique; aussi la volonté des élèves a quelque chose de plus développé, de plus énergique qu’elle ne l’a ordinairement à leur âge. La religion entre dans ce système d’éducation d’une manière toute particulière. On inquiète fort peu les élèves au sujet du dogme, à quelque croyance qu’ils appartiennent, seulement on leur apprend à les respecter, quelque contraires qu’ils paraissent à la raison individuelle. Mais en revanche on tâche d’exercer et de développer continuellement le sentiment religieux, par le moyen surtout de l’observation de la nature, qui mène naturellement à sympathiser avec les forces inconnues qui la régissent, et à adorer la sublime intelligence à laquelle elle doit son principe de vie. Chose étrange, Mr Prévost, à demi philosophe, trouve cette manière de faire pénétrer la religion chez les enfants insuffisante, tandis que le pasteur Ramus, quasi méthodiste, en est presque satisfait. Serait-ce parce que l’un, pénétré de la nécessité de la religion, sans en ressentir lui-même un besoin très vif, ne la comprend chez les autres que d’une forme rationnelle; tandis que le pasteur, chrétien par le cœur plus encore que par l’intelligence, apprécie surtout le sentiment religieux, abstraction faite des dogmes qu’il revêt? Dans une conversation que j’ai eu quelques jours après avec Mr Maurice, celui-ci m’a dit beaucoup de mal d’Hoffwil. Cela ne m’a pas étonné, ni semblé même en contradiction directe avec l’opinion de Mrs Prévost et Ramus, ces critiques portant surtout sur la partie de l’instruction qui, aux yeux d’un savant aussi distingué que Mr Maurice, est le point essentiel. En revanche, Mr Maurice m’a fait de pompeux éloges de l’institution de Mr Topfer. Il la croit égale à Hoffwil sous les rapports moraux et physiques, et infiniment supérieure quant au développement de l’intelligence.

divisore
Nomi citati:
Ramus, Prévost, Fellemberg, Topfer, Maurice.
Toponimi citati:
Genève, Hoffwill, Hoffwil, Suisse.

Allegati