LUG
21
1834

21 luglio 1834 - 21 luglio 1834


Diario:
1834.

      J’ai été accompagner ma tante Henriette jusqu’au Bourg, et je me suis fait ramener en scourata par un joyeux marchand de pâtes. En route, je me suis amusé à le faire causer; l’ayant interrogé sur l’état des marchés qui se tiennent à Coni, il m’a répondu: «Ce mois-ci les marchés ne sont pas beaux; cependant, mardi passé il a été superbe, on a pendu deux personnes, cela a fait courir du monde de tous les côtés, aussi nous avons eu un excellent marché». Ainsi donc ce qui avait frappé le plus mon honnête marchand de pâtes dans la double exécution dont il avait été témoin, c’était le monde que cela avait attiré, et le bon résultat que cela avait eu sur le marché du jour. Je garde cette anecdote pour mon oncle; il s’en servira pour aiguiser ses armes qui commencent à se rouiller.
      Ayant mis mon conducteur sur le chapitre de l’exécution, il me raconta dans les plus grands détails, y compris une belle dissertation dont le bourreau avait régalé les spectateurs de l’échafaud même, sur la plus grande difficulté qu’il y avait à pendre les femmes que les hommes. Comme l’on voit le public a reçu ce jour là une bien instructive leçon.
 
      [...] Je te rassurerai en t'embrassant! Doux moment, Camille, qu'on peut bien acheter par de longues angoisses. Je ne sais pas pourquoi le bonheur laisse en moi des traces beaucoup plus profondes que la douleur. Ces trois jours ont effacé le souvenir de plusieurs années bien cruelles, je t'assure; je les garde dans ma mémoire comme un inépuisable trésor de consolations pour les jours de tristesse qui m'attendent; je penserai alors que le tems s'écoule, et que l'amour reste à jamais! À jamais, Camille: nous le savons bien, nous qui, non contens d'aimer ici, d'aimer pendant des années passagères, osons porter nos regards vers un avenir sans fin d'amour et de bonheur. Je te l'ai dit, Camille, mon âme n'est qu'un reflet de la tienne: sans toi, je suis néant; on m'intercepte ta lumière, je cesse d'exister. Je te suivrai partout. Qu'on n'espère pas me séparer de toi; parens, amis, je renonce à tout plutôt que cesser de te voir et de t'écrire: j'aurai peut-être bien des luttes à soutenir, je les prévois sans m'en effrayer; j'ai le sentiment de ma force, je sais que rien ne pourra m'abattre tant que je serai sûre de ton amour. Et je le suis, et ton cœur répond au mien, et entre nous c'est, comme le dit ta devise, à la vie, à la mort. Si je me fais illusion, que je tombe en poussière avant de me détromper [...]
      Tu m'as donné une nouvelle existence: c'est par toi que je suis quelque chose; ma nullité disparaît, tu me rattaches à cette vie que j'aurais quittée avec indifférence et quelquefois avec joie. L'espoir de me réunir à toi me soutiendra pendant ton absence; le bonheur de t'embrasser me fera croire pendant quelques instans que je suis plus qu'une mortelle [...]
                                                                                                               Demonte, 20 juillet
 
      Diable! j’oublie tout à fait la politique; lord Grey a donné sa démission, tout le ministère est en pleine décomposition, les torys font d’inouis efforts pour s’emparer de nouveau du pouvoir. Une grande crise pourrait bien s’en suivre, et moi je n’y pense pas même. C’est vraiment étonnant, je ne me reconnais plus.

divisore
Nomi citati:
Henriette, lord Grey.
Toponimi citati:
Bourg, Coni, Demonte.

Allegati