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1842

12 novembre 1842 - 06 dicembre 1842


Troyes. Provins. Nangis. Arrivée à Paris, dîner chez Véfour. Odéon. Antony. Dorval. Bocage. Gustave est profondément scandalisé. Écrit à papa. Visite à M. Leroux. Dîner chez les frères provenceaux. Écrit à Auguste. Franchi. Billets à M. Edmond Blanc, et le prince de la Cisterna. Théâtre Français. Frédégonde 3, la dame et la demoiselle. Jamais de ma vie je n’ai assisté à une plus exécrable tragédie. Mauvais vers; intrigues absurdes, caractères exagérés, intérêt complètement nul. Mlle Rachel malgré son immense talent faisait mal à entendre; à force de rendre fidèlement la haine et la cruauté, elle devenait repoussante. Un seul mot a produit un effet prodigieux. Au dernier acte, Mérovée empoisonné par ses ordres, est apporté expirant sur la scène; son père, le niais Chilpéric, se désole de sa mort dont il ne soupçonne pas l’auteur. Mérovée, au milieu des atroces souffrances que lui cause le poison, explique, par mots entrecoupés, comment il s’est empoisonné. Frédégonde qui a dissimulé à son mari ce crime odieux, écoute avec terreur le récit accusateur de son beau-fils. Elle laisse entrevoir l’impie espérance que la mort qui s’avance empêchera Mérovée d’en dire assez pour dévoiler sa trame meurtrière. Cependant ses forces ne l’abandonnent que peu à peu. Son père le soutient, tâche de le ranimer et l’excite à parler. Frédégonde dans un coin assiste à ce spectacle affreux, et au moment où son père laisse échapper des cris de désespoir pour ranimer son fils, elle s’écrie « qu’il est lent à mourir!» Ces mots, prononcés avec une expression qu’il est impossible de rendre, font frémir. Jamais la haine, la vengeance, la crainte, l’inquiètude n’avaient été rendues d’une manière plus frappante. Frédégonde tremble pour elle-même et cependant ses yeux dardent des traits enflammés qui semblent vouloir percer le cœur de la malheureuse victime de ses crimes et hâter sa mort. Je ne conçois pas comment Mlle Rachel a choisi cette pièce horrible, si ce n’est pour essayer jusqu’où pouvait aller le triomphe de son talent sur les difficultés de tout genre. Elle a voulu peut-être prouver qu’elle savait rendre supportables les choses les plus absurdes et les plus dégoûtantes. Elle a satisfait sa vanité aux dépens de l’art et de sa véritable réputation. Il se peut aussi qu’elle ait aveuglé elle-même, par le caractère de Frédégonde. Les passions que ce monstre pousse à l’excès sont bien celles que Mlle Rachel sait peindre avec plus de vigueur et de vérité. Elle a cru trouver dans l’exagération de ces mêmes passions un nouveau moyen de développement pour son talent. A force de vouloir être passionnée elle est sortie de la nature pratique, pour entrer dans un monde exceptionnel qui peut être vrai, mais qui fait mal à voir. Elle est tombée dans l’écueil qui est le plus dangereux au talent; elle a exagéré ses moyens de succès, et dépassant le but, elle n’a plus excité qu’un étonnement pénible au lieu de l’admiration qu’elle sait si bien captiver. Tout bien calculé cependant, je crois encore que le véritable motif qui l’a engagée à ressusciter cette triste tragédie c’est que le costume de Frédégonde lui sied à ravir et que malgré tout son génie elle est encore plus femme Écrit à Victoire.Vaudeville. Visite de Gustave à Cousin. On croit la vie longue et elle est très-courte; car la jeunesse n’en est que la lente préparation, et la vieillesse n’en est que la plus lente destruction. Votre âge se trompe encore d’une autre façon sur la vie: il y rêve le bonheur et celui qu’il y rêve n’y est pas. Ces nobles instincts qui parlent en vous et qui vont à des buts si hauts, ces puissants désirs qui vous agitent, comment ne pas croire que Dieu les a mis en vous pour les contenter, et que cette promesse la vie la tiendra? Oui, c’est une promesse, c’est la promesse d’une grande et heureuse destinée, et toute l’attente qu’elle éveille dans votre âme sera remplie; mais si vous comptez qu’elle le sera dans ce monde, vous vous méprenez. Le sommet de la vie en dérobe le déclin; de ses deux pentes, vous n’en connaissez qu’une, celle que vous montez; elle est riante, elle est belle, elle est parfumée comme le printemps. Il ne vous est pas donné comme à nous de contempler l’autre, avec ses aspects mélancoliques, le pâle soleil qui l’éclaire, et le rivage glacé qui la termine. Si nous avons le front triste c’est que nous la voyons. Vivez, jeunes gens, dans la pensée que vous la descendrez comme nous. Faites en sorte qu’alors vous soyez contents de vous-mêmes: faites en sorte surtout de ne point laisser s’éteindre dans votre âme cette espérance que nous y avons nourrie, cette espérance que la foi et la philosophie allument, et que rend visible par delà les ombres du dernier rivage, l’aurore d’une vie immortelle. JOUFFROY. Promenade aux Champs Elysées. Dîner au Cadran bleu. Franconi, les pillules du Diable. Écrit à papa. Visite à Odier. Visite à M. Lainé. Dîner aux Trois frères. Marie Stuart. Gustave dans un accès de taquinerie compare la voix de Mlle Rachel à celle de Mme de Courtance. Écrit à maman. Mlle George demande le numéro d’août de la Revue Britannique, chez Renouard, rue de Tournon, N. 6. Voyage historique, littéraire à Genève, par M. Baillide, chez G. A. Dentu, rue de Bussy, N. 17. Visite à Ney. Théâtre du palais royal, parodie de Mathilde. Falstaff, fiasco, tumulte, on fait baisser le rideau. Messe à la Madeleine. Visite du Louvre. Dîner chez Brignole; bon accueil de Madame la marquise de Sauli; mauvaise humeur de Madame Deferrari. Soirée chez Madame Odier. Écrit à M. Gay. M. Jouffroy pose sept questions qui embrassent tous les problèmes que la nature de l’homme et sa destinée peuvent faire naître dans un esprit pensant: 1° Quel est le véritable but de la destinée de l’homme sur cette terre? 2° Qu’arrive-t-il à l’homme après sa mort? Tout est-il fìni pour lui, ou bien est-il destiné à une autre vie? 3° Quelles seront les conditions de cette vie nouvelle? 4° Qui est-ce qui a fait le monde? quelle est la cause première de tout ce qui existe? 5° Quelle est la destinée de l’humanité? doit-elle atteindre un certain but? a-t-elle une carrière déterminée à remplir? Comment a-t-elle commencé et quelles sont les lois de son développement? 6° Quels sont les rapports de l’homme et de la nature animée? Qu’est-ce qu’il y a de commun entre les animaux et lui, et quelles sont les facultés qui l’en distinguent? 7° Quelles sont les lois qui règlent les rapports des hommes en société? ces lois sont-elles légitimes, immuables? quelles modifications, quel perfectionnements le temps est-il appelé à leur apporter? Visite à Mme de Castellengo. Mme de Brême. M. de Drée, 17, rue de l’Université. Gustave dîne chez La Cisterna. Opinion de Jouffroy sur la philosophie. Qu’est-ce donc la philosophie? C’est de la science de ce qui n’a pas encore pu devenir l’objet d’une science; c’est la science de toutes ces choses que l’intelligence n’a pas encore pu découvrir les moyens de connaître entièrement; c’est le reste de la science primitive totale; c’est la science de l’obscur, de l’indéterminé, de l’inconnu; car elle comprend des objets auxquels ces diverses épithètes conviennent, selon qu’on les entrevoit d’une manière plus ou moins vague ou qu’on ne les aperçoit pas du tout encore. (Fragments posthumes, pag. 169) 1. Visite à Montalde. Sa nomination à Washington. Madame Odier.M. Eynard. Théâtre italien. Mario.La Persiani, la Brambilla, Lablache, Tamburini. Écrit à Victoire. Gustave part pour Juilli. Retour de Gustave; nous visitons ensemble l’hôtel de ville, Notre-Dame et le palais de justice. Gymnase, Bouffé jouant Garrick enchante Gustave. Écrit à papa. Écrit à Victoire. Acheté à la bourse 20 obligations piémontaises 7 à 1138-7. Gymnase. La belle Amélie. La famille de l’absent. Visite à M. Edmond Blanc. Versailles, dîner excellent. Brignole. Mme de Castellengo. Le Prince de Montléart. Visite à M. de Salmour; dîner chez James Odier. Partie de Whist. Par sa lettre du 29 novembre maman me charge de payer 300 frs. aux sœurs de charité de . . . Compte de maman: Fonds chez MM. Blanc et Collin . . . . . 1000 Payé à M. Lassalle . . . . . . . . . . . . . . . . 671 Sont disponibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329 Papa par sa lettre du 23 demande 3 paires de bas dits cachemires. Dîné à la taverne anglaise; visité la fabrique d’engrais de M. Lainé. Ces engrais sont composés avec des matières animales et des sels. Aucune mise de fonds n’est nécessaire: la préparation a lieu en plein air. M. Lainé m’a proposé d’envoyer son fils à Turin pour y fonder une fabrique analogue à la sienne; il pense qu’on pourrait fabriquer 60 mille hectolitres d’engrais par an. Il vend ici l’hectolitre 2,50. Il prétend y gagner 50 %. Écrit à papa. Théâtre des variétés. M. Jaussant me demande du temps pour payer, je vai trouver Leroux, il me conseille la patience. Désillusion. Opéra comique. Nous changeons de logement. Cours de Rossi. Mauvaise prononciation du professeur. Débit lourd et traînant, geste noble et expressif. L’auditoire l’écoute avec recueillement. Dans la leçon du jeudi, il a cherché à établir les principes qui doivent régler les libertés civiles d’un peuple ou pour mieux dire, l’étendue de l’action que la société peut exercer légitimement vis-à-vis des membres qui la composent. Il dit que chaque individu a des droits et des devoirs. Que ces droits et ces devoirs étant légitimes au même degré chez tous les membres de la société, ils doivent nécessairement se limiter et se régulariser les uns par les autres. Que de plus, la société considérée comme corps moral a des droits et des devoirs, que ces droits et ces devoirs devaient nécessairement influer sur les droits des citoyens; que par conséquent la science du droit civil, pénal et constitutionnel avait pour but de déterminer l’action légitime des droits de la société et des individus et le point où ils se rencontrent; en un mot de chercher à établir une espèce d’équation des droits, au moyen de la quelle on fixe les points d’intersection, où il y a équilibre entre tous les droits et tous les devoirs. Seconde visite de M. Jaussant. Dîner chez Véry. Visite à M. et Mme Eynard. Visite à Mme de Circourt. Opinion de M. de Circourt sur l’état de l’Allemagne, sur l’esprit germanique du roi de Bavière. Ses opinions religieuses sur le mariage du prince royal. Le fils de Cromwell. L’absurdité historique atteint ses dernières limites. Je vais au cercle. Visite de Ney. Entrevue avec M. Jaussant chez M. Leroux. «N’est-ce pas qu’on s’ennuye à Genève?» disait quelqu’un au prince de Talleyrand. «Oui, répondit-il, surtout lorsqu’on s’y amuse». Brougham Sketches. Cours de Rossi. Leçon médiocre sur la liberté individuelle. Comment ont peut la perdre individuellement. Esclavage. Ordres religieux. Cours de M. Royer-Collard. Droit des gens. De la nationalité: comment on l’acquiert et comment on la perd. Dîner au café Anglais. Cours de M. Wolowsky. Leçon extrêmement remarquable du système de douane sous François I et Henri II. Les maximes de liberté étaient seules appliquées. Exception en faveur des draps du Languedoc. Causes qui rendaient le commerce intérieur si difficile. Nécessité d’avoir recours à des moyens extraordinaires pour subvenir aux besoins de la cour lorsqu’elle changeait de résidence. Corps de commerçants et de fournisseurs créé expressément dans ce but. Ce corps qui ne se composait que de 72 personnes sous Louis XII, a été porté à 194 par Henri II et il dépasse 300 personnes sous Henri IV. Écrit à M. Jaussant. Messe à St-Louis d’Antin. Cours de M. Dupin. Dîner chez M. de Brignole. La marquise de Podenas. Visite de Théodore. Visite à Mme de Circourt. Tyrannie de l’empereur envers les catholiques. Il confisque les biens d’un jeune prince Galitzin qui se fait prêtre. Taquinerie de Gustave. Leçon de Rossi sur les couvents. Principes Malthusiens. Visité le Luxembourg. La chambre à coucher de Catherine de Médicis. Cours de Mickiewicz. Dîner chez M. Odier. Visite à la duchesse de Galliera.

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