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1834

07 maggio 1834 - 07 maggio 1834


Diario:
1834.

      Les habitués de la société de Mme Berton ont fait un picnic chez elle; j’en ai fait partie. La marquise Ferreri était membre actif du picnic, mais son mari n’y vint qu’à titre d’invité; cela le mit mal à son aise, il fut agité tout le tems du dîner, et après il était encore démonté. L’accident l’ayant placé à côté de sa femme sur un canapé, il voulut, en sa qualité d’esprit fort, céder sa place à quelqu’un. Il appelle Pollon, en lui disant: «venez vous mettre à côté de Mme de Ferreri». Pollon était assez animé, un peu par le bruit et le tapage qui se font toujours en semblables occasions, et aussi un peu par le vin de Champagne, dont il avait fait de copieuses libations; il se précipite donc sur le canapé pour occuper la place que Ferreri lui faisait; mais voilà que celui-ci par un malheureux esprit de plaisanterie, reprend, par un mouvement brusque, la place qu’il avait offerte à Pollon. Pollon ne recule pas, mais tombe à cheval sur les genoux de Ferreri; en même tems il étend les bras pour se tenir au dossier du canapé; en fesant ce mouvement, il passe un de ses bras derrière les blanches épaules de Mme de Ferreri, et, à ce qu’il parait, les caresses légèrement. Celle-ci s’enfuit en criant. Ferreri alors se croit obligé de faire le mari, (dans toutes les occasions le plus sot des rôles), il repousse Pollon qui était toujours sur ses genoux, se lève d’un air colère, et va se placer, les bras croisés, à un autre bout de la chambre, vis-à-vis Pollon. Celui-ci se monte de son côté, il devient pâle, quitte le sopha [sic] et, s’avançant vers Ferreri, lui dit d’une voix animée: «Êtes-vous fâché?». - «On le serait à moins», répond Ferreri. «Je suis à vos ordres» réplique Pollon, «cela suffit».
      Pendant cette courte mais impressive conversation, un silence glacial régna dans la chambre. Lorsqu’elle fut finie, les deux interlocuteurs eurent l’air de n’y plus penser et ils se mêlèrent à la conversation générale. Pour donner une contenance à la société on se mit à jouer commodino. Mais la pauvre Mme de Pollon, qui avait été toute émue de la scène, n’y put tenir plus longtemps, et elle fondit en larmes. L’émoi fut grand, cependant on ne quitta pas la partie; Mme de Pollon s’en alla accompagnée par son frère, et son mari resta dans l’intention évidente de demander des explications à Mr de Ferreri lorsqu’il sortirait. Après de longs efforts sans succès, Pollon consentit enfin à me charger de les demander de sa part; heureusement que pendant que nous discutions ensemble, il m’avait déclaré qu’il n’avait point touché Mme de Ferreri et que la pensée même ne lui était pas venue de l’offenser.
      Pollon se retira; Ferreri et sa femme partirent un moment après; je les suivis immédiatement et me rendis chez Ferreri, auquel, après avoir répété la déclaration de Pollon, je demandai le motif de sa conduite. Il me répondit que sa femme avait été prise par la taille sous ses yeux et qu’il n’avait pas dû le souffrir; qu’au reste ce que je venais de lui dire suffisait, quant à cet article; mais qu’il restait l’interpellation si fière et si directe de Pollon, qui devait avoir des suites indispensables. Je me suis évertué à le calmer, à lui prouver qu’il ne pouvait résulter aucun profit de cette affaire, ni pour son honneur, ni pour celui de la marquise de Ferreri, et je suis parvenu à lui faire déclarer qu’il était fâché de ce qui était arrivé, et qu’il regardait cette affaire comme non avenue. Je dois déclarer que dans tout ce que Ferreri m’a dit, je n’ai trouvé que des sentiments généreux et élevés, tempérés par la raison que donne une longue expérience et de nombreuses années. Il a été brave sans fanfaronnade et conciliant sans faiblesse. J’avoue que mon estime pour lui s’est beaucoup augmentée par sa conduite en cette occasion. En sortant de chez Ferreri, j’ai trouvé Auguste Gazelli et nous avons été ensemble chez Pollon; là devant sa pauvre femme qui était dans un état complet d’abattement, nous avons longtemps discuté avant de le faire convenir que l’explication était suffisante; enfin il s’est rendu à mon avis et a déclaré qu’il considérait l’affaire comme terminée.
      Je croyais que tout était fini, mais voilà que le lendemain Ferreri s’imagine d’écrire un petit billet à Pollon, dans d’excellentes intentions, je n’en doute pas, mais en le rédigeant de manière à se donner l’avantage du dénouement. Nouvelles fureurs de Pollon, qui arrive chez moi, sa réponse à la main, je tâche de le calmer, et je parviens à lui faire changer son billet de manière à le rendre sinon prévenant, du moins poli. Dans ceci Pollon a mis une grande condescendance, et un entier oubli d’amour-propre, ce dont je dois lui être fort reconnaissant, car c’est bien peu dans sa nature. 
      Ferreri n’a pas trouvé le billet conforme à ce qu’il attendait, et quoiqu’il n’eût pas l’intention d’envoyer une réplique offensante, il me déclara qu’il ne renouerait plus avec lui. Là-dessus, j’ai dû de nouveau pérorer Pollon, et j’ai obtenu de lui qu’il adresserait une invitation à Ferreri dès qu’il serait à la vigne. J’espère qu’il le fera et que tout sera heureusement fini.
      E.[?] dans tout ceci m’a traité avec un redoublement de froideur. C’est for agréable!

divisore
Nomi citati:
Mme Berton, marquise Ferreri, son mari, Pollon, Ferreri, Mme de Ferreri, Auguste Gazelli, marquise de Ferreri, Mme de Pollon, son frère, Mme de Ferreri.

Allegati