SET
5
1834

05 settembre 1834 - 05 settembre 1834


Diario:
1834.

      At every word a reputation dies.
 
      Me voici à Gênes. Mon voyage s’est effectué sans aventures ni accident. Je suis parti d’Albe après le dîner de l’intendant, en cabriolet avec Pinot, et j’ai été coucher à Asti. À l’auberge on m’a donné une chambre à côté d’une autre occupée par une comtesse dont j’ignore le nom, et qui, se trouvant être toute seule, se serait, à ce qu’il m’a paru, fort bien accommodée de ma compagnie. Deux fois j’ai fermé la porte qui nous séparait et deux fois je l’ai retrouvée entre ouverte [sic]. J’avoue que l’idée de profiter de ces avances ne m’est pas même venue, quoique la figure de la dame ne fût pas tout à fait sans agremens. Mais quittant Mme de Gu[asco] pour aller trouver Mme Gius[tiniani] c’eût été par trop fort que de coucher en route avec une troisième dame. Le lendemain, j’ai pris la diligence au passage, et j’ai fait route jusqu’à Gênes avec les plus stupides et les plus taciturnes personnes du monde. Parmi les voyageurs se trouvait un Génois, médecin du bey de Tunis, mais malheureusement il était perché sur le cabriolet de l’impériale, ce qui a fait que j’ai à peine pu causer quelques instants avec lui pendant le dîner à Alexandrie, et les courts intervalles qu’on emploie à changer les chevaux. Il est fort satisfait de la vie qu’il mène à Tunis; il assure que ses habitants sont les meilleurs gens du monde, et que le bey, quoiqu’aussi ignorant qu’on puisse l’être, est juste et humain. Il m’a parlé de quelques efforts tentés dernièrement pour civiliser le pays en y introduisant des institutions européennes dans la réussite desquelles il n’a pas la moindre foi. Il m’a paru fort enthousiaste des beautés du pays, des juives surtout. Du reste c’est un homme dont il n’était pas possible de tirer grand chose, car il manque tout-à-fait d’idées générales et de cette connaissance approfondie des hommes et des choses qui mettent seules dans le cas de juger avec justesse de l’état d’un peuple étranger.
 
      J’ai revu Nina, je l'ai trouvée comme je l'avais laissée, douce, aimante, passionnée, se laissant aller aux mobiles impressions de son cœur, et aux rêves exaltés et généreux de son esprit. Son amour pour moi n'a pas diminué; c'est un ange, ses caresses ont une suavité céleste; elle conserve dans ses transports même une modestie touchante; dans toute sa conduite le plaisir ne paraît jamais comme son mobile, elle ne laisse voir que le seul sentiment. D'elle j'ai appris comme l'on pouvait allier la pudeur à l'amour.
      Son mari m'a fort bien reçu, sans embarras et sans gêne; il a eu le bon esprit de rester le moins qu'il a pu en tiers, et de nous laisser la plus entière liberté.

divisore
Nomi citati:
Pinot, Mme de Gu[asco], Mme Gius[tiniani], Nina, bey de Tunis, Son mari.
Toponimi citati:
Gênes, Asti, Alexandrie, Tunis.

Allegati