OTT
1
1834

01 ottobre 1834 - 01 ottobre 1834


Diario:
1834.

      En revenant de Gênes, j'avais écrit à Clé[mentine] pour lui déclarer que ma liaison avec Ni[na] était connue à [sic] tout Gênes et par conséquent qu'elle ne tarderait pas à l'être à Turin, et pour lui ôter toute espèce de doute sur sa véritable nature. Là-dessus j'ai reçu d'elle une lettre où, tout en me laissant voir beaucoup de tendresse, elle me déclarait vouloir rompre les liens qui l'unissaient à moi. Cela ne m'a [pas] détourné de la course que j'avais projetée à Envie; je l'avais annoncée à tout le monde, et il aurait été ridicule d'y renoncer. Je suis donc venu ici sans trop prévoir l'accueil qui m'attendait, et bien décidé à ne faire que ce qui était rigoureusement nécessaire pour ne manquer de délicatesse quant à la résolution de Clém[entine]. Mais, pauvres femmes, que vous êtes faibles quand vous aimez! Il n'y avait pas une heure que j'étais avec elle, que j'en avais déjà reçu toutes les preuves de tendresse qu'une femme peut donner. Et cependant je ne lui avais fait aucune concession.
      Le bon marquis est à Turin, de sorte que nous sommes fort libres de nos actions et nous en profitons de notre mieux.
      Il y a ici un Mr Rovida de Milan ami de G. Il est en même tems censeur et professeur de mathétique [sic]. C'est un homme poli et doux, ayant des connaissances, mais peu d'élévation dans l'âme et d'étendue dans son esprit. Robert, mon camarade de collège, est venu aussi passer deux jours à Envie. Il n'est pas d'une société bien amusante, sans cependant être ni sot, ni ennuyeux. Dans la diligence qui m'a mené à Saluces, se trouvaient avec moi trois propriétaires de moulins à soie, parmi lesquels brillait par son esprit et ses connaissances Mr Sinigaglia, frère du juif célèbre de ce nom. La conversation s'étant engagée sur la question de la prohibition de la sortie des soies grèges, ces messieurs ont fait chorus pour proclamer la nécessité de son maintien. Pendant longtems j'ai caressé leur opinion pour voir si je pouvais par ce moyen en tirer quelque bonne raison. Voyant qu'ils ne fesaient que répéter que l'existence de tous les moulins existants en dépendait, sans appuyer cette absurde affirmation d'aucune preuve convaincante, j'ai changé tout à coup de rôle et ne dissimulant plus ma manière de voir, j'ai soutenu la justice et l'utilité du commerce libre. La discussion est devenue vive. Sinigalia, le seul qui sût dire quelques mots fesant suite, s'est emporté contre Gioanetti, il a dit des injures contre son ouvrage. À travers les cent mille absurdités qu'il a débitées, je n'ai pu recueillir qu'un seul fait qui aux yeux de plusieurs personnes pouvait donner quelque faveur à leur cause. C'est que les soies moulinées sont frappées à leur entrée en Angleterre d'un droit proportionnel infiniment plus élevé que les soies grèges, ce qui donne incontestablement au moulineur anglais un immense avantage sur les marchés de son pays, sur le moulineur piémontais. Cette considération pourrait avoir un grand poids, et décider la question en faveur de la prohibition, si Londres était le seul marché pour les organsins et si le Piémont avait le seul le privilège de produire de la soie grège. Mais fort heureusement nos organsins auront toujours un débouché assuré soit dans les fabriques nombreuses du pays, soit à Lyon, tandis que les moulineurs anglais trouvent actuellement à Londres de la soie grège en suffisance pour alimenter leurs fabriques. La différence dans les droits d'entrée entre la soie grège et la soie moulinée peut donc nous causer quelque tort; mais la prohibition absolue de la sortie de la soie grège adoptée en conséquence ne saurait nous faire aucun bien. Dans le cours [sic] de ses déclamations mr Sinigaglia s'est laissé échapper un aveu qui est une preuve irrésistible de l'absurdité du système actuel. Il revenait d'un voyage d'Italie, et il a déclaré que tandis que nos méthodes de moulinage sont demeurées stationnaires depuis quarante ans, elles ont fait d'immenses progrès chez nos voisins, qui cependant ont l'esprit beaucoup moins ingénieux et moins industriel que nous, comme le prouve l'état relatif des fabriques dans les deux pays. Et après cela serat-il [sic] croyable que ce même Sinigaglia soutînt que les inconvéniens dont se plaignent les producteurs de la soie viennent uniquement de ce que les règlemens vexatoires de Charles-Emmanuel, qui soumettaient l'industrie à la plus absurde et gênante surveillance, soient tombés en désuétude? Et pourtant c'est ainsi, tant l'intérêt privé aveugle l'intelligence et obscurcit le raisonnement.

divisore
Nomi citati:
Clé[mentine], Clém[entine], Sinigaglia, Charles-Emmanuel, Ni[na], bon marquis, G., Robert, Gioanetti .
Toponimi citati:
Gênes, Turin, Milan, Envie, Saluces.

Allegati