«Diari» di Camillo Benso di Cavour 18 février 1834 Ils ont une étrange humilité, les dévots revêtus d’un caractère sacré. Ils proclament tant qu’on veut leur nullité, leur misère, les infirmités morales et intellectuelles de leur nature, mais ils se dédommagent bien amplement dès qu’il s’agit du ministère dont ils sont investis; alors il n’y a plus assez de respect, de vénération pour ce qu’ils se croient en droit de prétendre. Admirable moyen de satisfaire aux exigences de l’orgueil sans se priver des douceurs de la modestie. Ce contraste choquant se trouve partout dans l’Église romaine; son esprit en est empreint et il éclate dans ses membres à proportion qu’ils s’en pénétrent plus intimement. Le clergé séculier a des sentiments plus naturels; obligé par ses fonctions à mener une vie active qui le mêle avec le reste de ses semblables et lui fait subir, jusqu’à un certain point, l’influence de l’opinion publique, il a des sentiments plus vrais et plus d’accord avec les notions communes de bon sens. Mais le clergé régulier, concentré dans un monde isolé, sans sympathie pour les sentiments qui font mouvoir la société, se crée un code moral particulier, au moyen duquel il tâche autant qu’il peut de concilier la satisfaction des passions, qui fermentent toujours dans le cœur humain, avec les préceptes sévères de leur ordre. Les fondateurs des ordres religieux ont fait tout ce qu’ils ont pu pour inculquer l’humilité à leurs sectateurs; pauvreté, obéissance, abstinence complète de tout ce qui peut rehausser les avantages naturels du corps et de l’esprit; ils ont prescrit tout ce qu’ils croyaient plus propre à dompter le démon de l’orgueil. Eh bien, c’est justement de cette même règle strictement observée que les moines tirent les moyens de satisfaire leur vanité. Plus elle a voulu les abaisser et plus ils se croyent en droit de s’élever. Ils mesurent le respect qui leur est dû aux obligations, pour paraître humbles, auxquelles ils sont soumis. Ce sentiment de leur propre dignité, ils l’expriment de la manière la plus naïve et cela arrive non pas seulement chez ces moines qui n’ont de rapports qu’avec les classes inférieures de la société, ignorantes et faciles à frapper par les signes extérieurs de sainteté, mais chez ceux qui se trouvent par leurs moyens ou leur position être en contact avec les personnes du rang le plus élevé. Quoique je fusse déjà accoutumé a cette vanité monacale, cependant le père lecteur de Notre-Dame des Anges, m’a encore étonné par la naïveté avec laquelle il parle des hommages dont on l’accable. En parlant à mon frère de sa pauvre femme il lui disait, de l’air le plus modeste: «Elle était si pieuse! Toutes les fois que j’allais la voir, elle me témoignait tant de respect; une fois elle m’a baissé [sic] la main et plusieurs autres fois elle s’est mise à genoux devant moi en implorant ma sainte bénédiction». Le fait était vrai, ma charmante belle-sœur avait baisé la main du moine et s’était agenouillée devant lui. Il n’y avait donc rien d’extraordinaire que le moine en fût glorieux, et s’en vantât. On s’étonne souvent sur le grand nombre de jeunes gens qui embrassent la carrière monacale, les dévots en tirent argument pour prouver la puissance du sentiment religieux. Il me parait que le fait que j’ai rapporté peut expliquer, au moins pour un grand nombre de cas, par des causes purement humaines, l’empressement de se claquemurer dans un couvent, des personnes appartenant aux classes inférieures. Le fils d’un paysan peut-il, dans les rêves de son amour-propre, imaginer une jouissance de vanité plus exquise que de voir sa main, destinée à manier la charrue et la bêche, baisée [sic] par la plus belle femme du pays, et de contempler à ses pieds celle qui plane au-dessus des hommages de tout ce qu’il y a de plus distingué dans le royaume? Toute autre carrière pourrait-elle lui procurer rien de comparable, si l’orgueil entre pour beaucoup dans son caractère? Ce qui m’étonne maintenant ce n’est pas le grand nombre des moines, mais c’est de ne pas voir se précipiter dans les couvens tout ce qui dans les classes inférieures a un esprit élevé, une ambition ardente, un esprit orgueilleux. J’ai trouvé dans les papiers du pauvre Franquin toute la correspondance de Mme de Tonnerre avec papa pendant l’année 1813 et les premiers mois de 1814. Ma tante était de service auprès de la princesse avec laquelle elle était en froideur. Il n’est question dans ces lettres que des terreurs que les triomphes des alliés lui inspiraient et de sa crainte mortelle de voir une restauration s’opérer en Piémont. Elle s’imaginait que si le roi de Sardaigne remontait sur le trône, la Turbie serait premier ministre, et par conséquent tout puissant, pour la forcer à se mettre en son pouvoir, ou du moins pour se saisir des biens que les tribunaux impériaux lui avaient fait céder en Piémont. Aussi, telle est son horreur de ce pauvre roi de Sardaigne, qu’elle va jusqu’à dire: «J’aimerais mieux voir le Grand Turc sur le trône que lui». Son langage s’est légèrement modifié depuis. Dans une de ses lettres il est question d’un sentiment qui lui aurait causé bien des peines, mais qu’elle avait fini par surmonter. La personne n’est pas nommée, et je ne peux deviner qui ç’a pu être. À moins que cela ne soit celui auquel sa lettre était adressée. Voici, au reste, ses propres mots: «Je vous dirai combien j’ai été touchée des sentimens d’une personne. Je l’ai aimée vivement, tendrement cette personne; c’est je crois le seul sentiment de ce genre que j’ai éprouvé, il a fait verser plus d’une larme, ce sentiment; mais il a fait ensuite le bonheur de ma vie, lorsqu’il est devenu plus calme sans cesser d’être aussi profond. Personne, personne ne le balancera jamais dans mon cœur, dans ce pauvre cœur qui fut si déchiré. Les malheurs dont on m’a plainte ne sont pas ceux qui m’ont fait souffrir. Mais le bon Dieu a soumis tout cela et je jouis avec délice de ce qui me reste». Il paraît que papa était très vif dans ce moment. Qu’il ne voulait pas se soumettre au nouveau régime qui se préparait, qu’il voulait s’expatrier etc., etc. Oh quantum mutato [sic] ab illo!